8) Examen de l'hypothèse de John Armstrong concernant le déroulement de l’action à l’intérieur du TSBD (cf. « Escape from the 6th floor », sur le site « Harvey and Lee ») :
La supposée coupure d’électricité d’environ 12 h. 25 :
A l’occasion du passage du convoi présidentiel sur Elm Street, Geneva Hine s’est proposée de remplacer ses collègues réceptionnistes, qui étaient très désireuses de voir de près le cortège présidentiel, depuis la rue. Ces dernières ayant accepté, elle se trouve donc seule au standard téléphonique, dans la salle des bureaux de secrétariat, au 1er étage. Devant la commission Warren, elle rapporte que, soudain, « les lumières s’éteignirent toutes et les téléphones devinrent morts, parce que le cortège s’approchait de nous et que personne n’appelait » (« the lights all went out and the phones became dead because the motorcade was coming near us and no one was calling »). La phrase n’est pas sans ambiguïté, ambiguïté que la commission n’a même pas relevée, ni encore moins cherché à résoudre, à moins qu’elle n’en ait carrément été volontairement à l’origine. L’approche du convoi présidentiel justifiait-elle, comme certains le soutiennent ou l’ont soutenu, en mettant en avant un article d’un règlement du Secret Service (article qui semble avoir été optionnel, voire tombé en désuétude, déjà à l’époque), qu’une coupure de courant soit effectuée dans tout le quartier, entraînant l’extinction de toutes les lumières et des téléphones, dont l’alimentation en électricité était commune, mais alors, dans ce cas, pourquoi Hine précise-t-elle que personne n’appelait ? Par « toutes les lumières », elle peut désigner les voyants du téléphone et/ou les lampes du plafond, dont l’allumage permanent pouvait être justifié par la pénombre dans laquelle était ordinairement plongée la pièce. Néanmoins, comme nous venons de le suggérer, on peut penser qu’elle se cantonne à parler des diodes du téléphone, qui ont la particularité de s’allumer, à chaque appel entrant ; auquel cas, elle peut, à la rigueur, vouloir dire que personne, au Texas et dans les Etats voisins dont le Texas School Book Depository était le fournisseur, n’appelait ce dernier, sachant que Kennedy passait sur Dealey Plaza et que tous les employés devaient être occupés à le regarder, ou bien – nonobstant, dans ce cas, la mention plutôt superflue de l’approche du convoi – que les habitants de ces Etats (du moins ceux qui auraient dû appeler le TSBD) étaient occupés à suivre le cortège, à la radio ou à la télévision, et ne pouvaient donc appeler. Quant aux plafonniers, s’ils étaient précédemment allumés, ils n’ont vraisemblablement aucune raison d’avoir été éteints par autre chose qu’une coupure de courant, à l’échelle du bâtiment, dans la mesure où aucune coupure d’électricité dans le quartier ne semble avoir été rapportée, et que, au demeurant, les secrétaires quittant la salle pour gagner la rue n’auraient sans doute pas éteint les lumières, pour le temps du passage du cortège, ne serait-ce que parce que Hine y demeurait. Par ailleurs, si Dorothy Garner, qui était à son bureau, au 3ème étage, déclare (à Barry Ernest) que la police de Dallas « prit le contrôle » (« took over ») des téléphones dans le bâtiment, afin d’empêcher « tout appel personnel vers l’extérieur » (ce que pouvait faciliter le fait que, à l’échelon du bâtiment, leur alimentation électrique était distincte de celle du reste du bâtiment), elle le fait, en semblant écarter, de fait, que cela eût lieu avant ou pendant l’attentat. Armstrong privilégie l’hypothèse que les plafonniers étaient concernés et donc l’hypothèse de la coupure de courant, qui plus est générale à tout le bâtiment (Coupure qui serait donc une première coupure, intervenant avant celle dont ont été témoins le shérif-adjoint Mooney et Victoria Adams, vers 12 h 50, au moment de prendre l’ascenseur au 1er étage, ainsi que, peut-être, les premiers intervenants aux 5ème et 6ème étages, Roger Craig parlant du 5ème comme d’une « pièce [qui] était très sombre », à son arrivée – cf. « When they kill a president », part 2 – et son collègue Ralph Walters parlant du 6ème comme d’un lieu à ce point plongé dans la pénombre – due sans doute, en partie, à la cloison séparant l’espace sud de l’étage de son espace nord – qu’il nécessita d’aller chercher des lampes portatives, au siège de l’administration du comté – cf. le rapport au shérif de Walters daté du 23 novembre et le témoignage de Boone devant la commission Warren. D'un côté, Mooney parle d'une coupure empêchant subitement l'ascenseur de décoller, de l'autre, la coupure dont a été témoin Hine ne dura que quelques minutes, puisque, d'une part, à supposer qu'elle n'eût pas concerné que les téléphones, l’ascenseur sud-est est emprunté par une collègue de Hine, Sarah Stanton, « immédiatement » – « immediately » – après qu’elle a entendu les tirs contre le Président depuis le haut de l’escalier d’entrée – cf. rapports de ses auditions des 23 novembre et 6 décembre par le FBI datés respectivement des 10 et 7 décembre – et qu’un ascenseur descend du 4ème étage, lorsque Truly et Baker montent par les escaliers, vers 12 h. 32, et que, d'autre part, juste après avoir observé le cortège et la ruée vers l’est de spectateurs effrayés par les tirs, depuis une fenêtre donnant sur Houston Street et située à l’extrémité sud-est de la salle de secrétariat, Hine passe dans le couloir et frappe à la porte d’un bureau dont l’employée – peut-être Sarah Stanton – cf. infra – qui l’occupait ne lui répond pas « parce qu’elle était en train de parler au téléphone », et que, à son bureau à elle, « les téléphones commencèrent à s’animer » l’obligeant à rejoindre sa place. Notons, au passage, que le temps pendant lequel elle observe par la fenêtre et/ou frappe à la porte, ne peut qu’être le moment où Mrs Reid traverse la salle et voit Oswald s’y avancer – aucun de ces deux ne s’y étant, au demeurant, attardés – qu’il s’agisse de Lee ou d’Harvey, pour reprendre la distinction d’Armstrong, dont nous reparlerons ; en effet, Reid ne dit avoir vu personne d’autre qu’Oswald, quoiqu’on ne l’interroge pas sur ce point, et Hine dit n’avoir vu aucun des deux, quoiqu’en précisant que son bureau tournait le dos à la porte empruntée par Oswald, cependant qu’elle aurait eu dans son champ de vision l’arrivée de Mrs Reid, et qu’elle aurait pu l’entendre prononcer la phrase qu’elle dit avoir adressée à Oswald, lui annonçant qu’on avait tiré sur le Président, sur quoi Oswald aurait marmonné une réponse de semi-étonnement – À noter que Stanton qui a gagné le même étage que Reid, à peu près au même moment qu’elle, voire plutôt avant, n’avait pas à traverser la salle, mais devait emprunter le couloir la longeant jusqu’à son bureau de la Southwestern Publishing Company… celui-là même à la porte duquel Hine frappa, probablement au moment où Stanton y était déjà rentrée, bien que ce pouvait n’être pas elle qui était au téléphone, puisqu’elle a affirmé au FBI avoir rejoint son bureau pour observer, depuis une fenêtre, Elm Street… dont le bruit, notamment si la fenêtre était ouverte, pourrait l’avoir empêché d’entendre les coups à la porte).
L’existence de cette coupure de courant qui aurait été concomitante du passage du cortège est aussi gênée par deux photos : d’une part, celle prise par Dillard, quinze secondes après les tirs, montrant ce qui a tout l’air d’être une lampe de plafond allumée au-dessus de l’homme se tenant en retrait de la fenêtre sud-ouest du 5ème (comme l’admet, d’ailleurs, Armstrong, en sous-entendant, du même coup, que le courant venait juste d’être rétabli), et, d’autre part, dans une moindre mesure, celle prise par James Powell, environ trente secondes après les tirs, montrant, à l’arrière de la fenêtre sud-est du 6ème étage (étage où Richard Carr venait de voir un homme posté derrière une fenêtre), ce qui a l’air d’être une lampe allumée au plafond. Si, dans le premier cas, le doute n’est pas possible, puisque le quart est du bas de la fenêtre où est visible le détail est ouvert, dans le second, il pourrait s’agir du reflet direct ou indirect du soleil, le détail étant visible sur la vitre du quart ouest du bas de la fenêtre fermée, bien que ce quart de fenêtre offre deux points lumineux : l’un en bas, le plus étendu, un peu ovale avec comme un départ de traînée (à l’instar d’une bavure de stylo) vers l’est et qui paraît être à la superficie et semble être un reflet d’une source extérieure, l’autre plus petit, bien circulaire et légèrement plus terne, et qui paraît être en profondeur et à hauteur du plafond (cf. photos dans Groden, « The killing of a president », p. 158 et 208). Le fait que ces lampes auraient été allumées peut a priori surprendre : ne risquaient-elles pas d’attirer l’attention, voire simplement d’attester une présence à ces étages ? Or, comme en ont témoigné les premiers enquêteurs arrivés sur les lieux (cf. supra), ces étages sont plongés dans la semi-obscurité (les fenêtres étant nombreuses mais très sales, de plus, la pièce étant grande et compartimentée par les hautes rangées de livres) ; il pouvait donc être rassurant de pouvoir surveiller, de temps à autre, le plus facilement possible, l’intérieur, notamment pour des tireurs installés aux fenêtres, avec la lumière du jour dans les yeux, en ayant le moins possible à subir le phénomène de contraste, la coupure n’intervenant, d’ailleurs, qu’au moment critique où ils ne doivent plus quitter, du regard, la rue. Survenant à cet instant, la coupure signifierait que quelqu’un cherche à empêcher l’utilisation des ascenseurs (ainsi que des téléphones, puisqu’il aurait été possible de les maintenir séparément sous tension), afin, d’une part, de gêner l’accès à l’étage où se trouvent les tireurs, et, d’autre part, de permettre à ces derniers d’emprunter un ascenseur qui leur aurait été réservé, en ayant été immobilisé, non loin d’eux (Notons que, si, comme nous l’avons expliqué, l’ascenseur arrière est n’était empruntable qu’à son niveau, et que l’arrière ouest pouvait être immobilisé – être non appelable – par simple non fermeture manuelle de la porte de la cabine – avec, néanmoins, dans les deux cas, le risque que quelqu’un n’accède à l’étage où ils se trouvaient arrêtés, pour les débloquer – le petit ascenseur sud-est – dont il serait, par ailleurs, justement question, comme nous l’expliquons, au paragraphe suivant – était de conception différente et semble avoir bénéficié d’une fermeture automatique des portes). L’hypothèse est étayée, dans une certaine mesure, par le témoignage de Baker, devant la commission Warren : lorsque lui et Truly arrivent au pied des ascenseurs, au rez-de-chaussée, deux hommes blancs, qu’ils semblent n’avoir pas pu identifier, s’y tenaient déjà, assis, l’un près des escaliers, l’autre à une distance d’environ six mètres du premier permettant de le situer près des commandes d’électricité du bâtiment. Pour autant, il convient de se rappeler que, juste après avoir constaté l’immobilisation des ascenseurs, Truly est censé s’être mis à crier, en direction des étages, qu’on lui débloque un ascenseur, ce qu’il n’aurait sans doute pas fait, s’il avait compris ou même soupçonné que le problème était dû à une coupure d’électricité ; coupure qu’il aurait plutôt spontanément cherché à réparer, en gagnant la console des commandes électriques située à quelques mètres de lui. Il reste que le témoignage de Baker mentionnant la présence de deux hommes dont on a tout lieu de tenir l’identité pour suspecte (la commission n’ayant étrangement pas fait parler Truly à leur propos, lui qui était pourtant le plus à même de dire s’il s’agissait ou non d’employés du TSBD) est corroboré par celui problématique de Victoria Adams, devant la commission Warren : lorsque elle et sa collègue Sandra Styles, parties du troisième étage juste après le dernier tir, atteignent, par les escaliers, le rez-de-chaussée, elle voit deux hommes en train de discuter, debout, non loin de la porte arrière du bâtiment qu’elles s’apprêtent à franchir (En 2002, Styles précise avoir quitté la fenêtre, d’où toutes les deux observaient le cortège, juste avant que la voiture présidentielle n'atteigne le Triple Underpass – cf. Barry Ernest, « The girl on the stairs », p. 259). Elle est censée avoir soutenu, de façon peu vraisemblable, les avoir identifiés comme étant Shelley et Lovelady, deux employés du TSBD, lesquels avaient pourtant été vus, quelques secondes auparavant, par plusieurs témoins, assister au défilé, sur Elm Street ; qui plus est, le jour-même, Shelley déclare, au bureau du shérif, que, avant de rentrer dans le bâtiment, il l’a contourné par l’ouest, s’est heurté, en chemin, à l’employée Gloria Calvery, qui était bouleversée par les tirs contre le Président (et avec laquelle Lovelady, qui était avec lui, affirme, devant la commission Warren, avoir discuté), et qu’il est ensuite rentré par une porte ouest (que, devant la commission Warren, Lovelady précise avoir été la porte ouest la plus au nord), ce que tous deux n’ont pu faire en moins d’une minute, avant qu’Adams ait pu les rencontrer dans l’attitude d’hommes en train de discuter, dans la grande salle, près de la porte arrière, ni même avant que Baker et Truly se soient rués vers les ascenseurs (Lovelady affirmant avoir, tout au plus, « trotté », quand le film de Malcolm Couch, tourné une trentaine de secondes après les tirs, semble les montrer tous les deux marcher tranquillement, le long du TSBD, en direction du Grassy Knoll ; en outre, devant le FBI, le 19 mars 1964, le premier affirmait qu’« approximativement cinq minutes » s’écoulèrent, entre sa sortie et sa rentrée, et, devant le même bureau, la veille, le second évaluait ce temps à « environ dix minutes »). Il reste qu’Adams est la première étonnée que le procès-verbal de son audition porte la mention explicite de Shelley et Lovelady, mais tout en semblant aussi maintenir avoir vu deux hommes, malgré la relative confusion qui s’était alors emparée d’elle. Bien plus, elle a le sentiment que son témoignage a été falsifié (cf. Barry Ernest, « The girl on the stairs », ch. 29). Retrouvée et interrogée par ce dernier, en 2002, sa collègue, Sandra Styles, qui n’a pas été entendue par la commission Warren (malgré la demande d’Adams), soutient fermement n’avoir pas vu Shelley et Lovelady, au rez-de-chaussée, et être certaine qu’ils ne s’y trouvaient pas, mais, par contre, y avoir vu « quelques personnes fourmiller » (« a few people were milling around on the first floor »), dont un Noir, que virent aussi Adams et Baker (à comparer avec ce qu’elle est censée avoir déclaré, au FBI, le 19 mars 1964 : « I saw many persons milling around outside the building and do not recognize any particular person ») ; Baker, qui, interrogé par le même Ernest, en 2004, déclare, d’une part, que l’ « homme noir fort et âgé » se trouvait, vers les escaliers, et que Truly lui certifia alors qu’il s’agissait d’un employé du TSBD – ce dont Adams, qui le décrit comme « assez gros », est elle-même certaine – et, d’autre part, qu’il ne vit personne d’autre, dans cette zone (contrairement à ce que lui fait dire le procès-verbal de son audition par la commission Warren, comme nous l’avons vu) (cf. ibid., p. 255, 260 et 299). De son côté, le journaliste Robert MacNeil, entré dans la salle, vers 12 h. 34, à la recherche d’un téléphone, mais qui ne semble pas s’être vraiment avancé dans sa partie nord, affirme y avoir vu « trois hommes excessivement calmes et détendus (exceedingly calm and relaxed), comparé au pandémonium qui avait lieu, juste devant leur porte d’entrée » (déclaration au FBI du 3 décembre 1963). La falsification du témoignage d’Adams pourrait avoir eu une double motivation : infirmer l’horaire auquel elle prétend avoir emprunté les escaliers et n’y avoir pas vu Oswald (qui serait donc descendu avant elle), et parasiter le témoignage de Baker devant la commission Warren (lequel, comme elle, aurait donc rencontré Shelley et Lovelady, au rez-de-chaussée). Quoiqu’il se fût agi de deux raisons s’excluant l’une l’autre, étant donné la chronologie (Shelley et Lovelady, qu’aurait rencontrés Baker, n’étant pas rentrés dans le bâtiment avant au moins 12 h. 33, alors que Baker devait être parvenu au 1er étage, à 12 h. 31 min et 30 sec, pour y rencontrer Oswald, et devait avoir franchi le troisième étage, environ une minute plus tard, afin d’éviter Adams), elles pouvaient être avancées séparément, au gré des besoins de la controverse, à l’instant de ménager une incertitude sur la valeur du témoignage d’Adams et sur l’interprétation à lui donner. Pour autant, comme on le voit, une seule de ces motivations suffisait ; ce qui, rapporté à ce que nous avons dit de la phrase ambiguë d’Hine (qui, en fait, pourrait n’avoir été qu’une phrase maladroite affirmant simplement que les téléphones ne fonctionnaient pas, faute d’appelants, et qu’il n’y avait donc pas lieu que des inconnus eussent été chargés de couper et rétablir l’électricité, depuis le rez-de-chaussée), pourrait signifier que n’est à retenir que la première motivation ; bien que n’en demeureraient pas moins énigmatiques l’identité et la raison de la présence des deux hommes vus par Baker et sans doute par Truly… lequel, comme nous l’avons dit, aurait pu facilement identifier, en eux, ses deux employés et n’avoir eu aucune raison de le cacher, s’il lui avait été donné de s’exprimer à leur sujet…
La supposée fuite des deux tireurs par le petit ascenseur sud-est :
Sur une photo censée avoir été prise au 5ème étage, peu de temps après l’attentat (dans l’après-midi même du 22), Armstrong remarque, à juste titre, une moindre quantité de caisses de livres à l’endroit situé juste au-dessus de la cage d’entretien de l’ascenseur sud-est – cage située au sommet de la cage de l’ascenseur et par laquelle il est possible d’entrer dans la cabine d’ascenseur, par la trappe de secours située au plafond de la cabine. Les tireurs auraient donc pu fuir par cet ascenseur, immobilisé au 3ème étage par la coupure de courant, après avoir effectué une ouverture dans le plancher, en démantelant des lattes, et s’être glissé dans la cage d’entretien, située au 4ème étage. À cet endroit précis du 5ème étage, ils avaient relativement peu de caisses à déplacer pour dégager l’aire de plancher utile. Armstrong fait reposer sa thèse (ou, plus exactement, son hypothèse, puisqu’il déclare ne pas prétendre dire la façon dont les choses se sont effectivement passées, mais seulement la façon dont elles pourraient l’avoir fait) sur le fait qu’aucun des trois employés présents au 4ème étage – Jarman, Norman et Williams – n’a entendu quiconque évacuer l’étage du dessus, par les escaliers ou les ascenseurs arrière. Rappelons, pourtant, qu’Oswald, qui était un habitué des lieux, pourrait avoir su comment utiliser le plus silencieusement possible le vieil escalier en bois grinçant, à quoi s’ajoute le fait que le bruit et le spectacle de la rue arrivant par les fenêtres ouvertes pouvaient l’emporter sur l’appréhension progressive des trois collègues relative à ce qu’ils estimaient s’être passé au-dessus d’eux et pouvoir avoir un prolongement dans les cages d’escalier et d’ascenseur, d’autant plus qu’ils étaient situés à l’opposé de ces dernières et que des amoncellements de caisses de livres les séparaient d’elles. À l’appui, toutefois, de l’hypothèse d’Armstrong, on pourrait ajouter, d’une part, que les outils qu’avait sans doute laissés sur place l’équipe de Lovelady, qui avait été occupée, dans la matinée, à la réfection du plancher et qui n’avait pas terminé sa tâche, pourraient avoir servi aux fugitifs, et, d’autre part, que le bruit particulier (« loud noise », « loud explosion ») entendu par Dougherty, à l’étage du dessous – dont le plafond n’était autre que le plancher de l’étage du dessus – pourrait avoir été causé par une latte cédant brutalement sous une pression continue intense ou par un violent coup de marteau appliqué sur un levier (ciseau ou pied-de-biche) pour l’enfoncer entre deux lattes ou le faire glisser sous la tête d’un clou – ce dont la conséquence aurait pu être la chute de poussière sur les trois employés du dessous, qui disent en avoir été témoins : ainsi Norman, selon un rapport du Secret Service du 8 janvier 1964, « déclare que de la poussière tomba du plafond du quatrième étage qui le convainquit qu’un certain type d’activité prenait place directement au-dessus de lui (some type of activity taking place directly above him) », activité que nous verrions plutôt être la construction, à la va-vite, du « nid du tireur » (en quoi, la formule « taking place » ne manquerait pas de pertinence), d’autant plus que, en cas de fuite par le plancher, ce dernier aurait sans doute dû avoir été préalablement préparé par des complices, sans compter que Dougherty parle clairement d’un bruit « semblable à un tir de fusil », qui plus est, arrivant plutôt du côté opposé à la cage d’ascenseur. Il reste que, si l’on admet l’hypothèse d’Armstrong et que la photo montre bien l’état du 5ème étage, au moment où les premiers enquêteurs y accèdent, quelques caisses auraient donc été remises sur les lattes, sans doute après que celles-ci eurent été elles-mêmes repositionnées. Puisque les fugitifs de l’ascenseur ne pouvaient l’avoir fait, qui donc l’aurait fait ? Cette énigme constituerait-elle une raison supplémentaire pour laquelle on a du mal à déterminer, de façon certaine, qui est arrivé, en premier, au 5ème étage, et a découvert le nid du tireur (sans parler de la plutôt invraisemblable façon qu’auraient eu Truly et Baker d’éviter l’étage, alors même qu’ils auraient exploré, au moins rapidement, chacun des autres étages !), la personne en question ayant pu avoir été chargée d’effacer les traces du départ des fugitifs, avant, éventuellement, d’annoncer la « découverte » du « nid du tireur » ? Pour autant, quel intérêt y aurait-il eu à faire partir, de façon relativement compliquée, deux hommes (les tireurs) par l’ascenseur, tout en en laissant un troisième (peut-être l’homme vu par Richard Carr, au 6ème étage) sur les lieux pour effacer les traces et qui, lui, n’aurait pu que fuir par une voie ordinaire (ascenseurs arrière ou escaliers arrière) ? La personne ayant effectué cette tâche d’effacement pourrait-elle avoir été l’homme aperçu, quatre à cinq minutes après les tirs, depuis une fenêtre du deuxième étage du Record Building (adossé à l’immeuble de la Maison du Comté), par Mrs Lillian Mooneyham : un homme debout, en retrait de la fenêtre sud-est, derrière le mur de caisses du nid du tireur (cf. sa déclaration au FBI du 10 janvier 1964 et Marrs, « Crossfire », p. 54-55) ? Sachant que cette fenêtre n’était pas loin du sommet de la cage d’ascenseur sud-est, et sachant qu’il pourrait y avoir eu d’autres tâches à effectuer, au même étage, après le départ des tireurs : rassembler les cartouches vides pour les déposer près de la fenêtre et dissimuler le Mannlicher-Carcano près de la cage d’escalier – cage que les deux tireurs n’avaient pas à emprunter pour fuir – on peut penser qu’une troisième personne (voire quatrième, dans la mesure où l’homme du 6ème aurait fui avec les deux tireurs), étrangère au groupe d’exécutants initialement présent, avait à agir, dans le sillage de ce groupe. Il reste, pourtant, encore une objection inévitable à l’encontre de cette fuite hypothétique par l’ascenseur sud-est : le fait que, comme nous l’avons vu, Sarah Stanton prétend l’avoir emprunté, juste après les tirs, soit exactement au moment où les fugitifs devaient l’emprunter, qui plus est, en sens inverse. A-t-elle pu bénéficier, quasiment à la seconde près, de la réalimentation en courant de l’ascenseur, dans les instants précédant son emprunt par les fugitifs, peut-être même sans que ceux-ci aient pu s’en rendre compte ? Ce n’est pas invraisemblable, le trajet entre le rez-de-chaussée et le 1er étage étant très court.
La supposée présence du sosie d’Oswald (Lee, fils d’une Marguerite Oswald, selon Armstrong) au 5ème étage, et celle avérée du « vrai » Oswald (Harvey, fils d’une autre Marguerite Oswald et mari de Marina) dans la salle à manger, au 1er étage :
Pourquoi le sosie d’Oswald, qui, selon Armstrong, aurait porté un tee-shirt blanc et aurait été l’un des deux tireurs présents au 5ème étage, aurait-il dû se trouver ensuite à trainer près des bureaux du 1er étage où l’aurait rencontré Mrs Reid, plutôt que de sortir immédiatement du bâtiment, afin d’emprunter le Rambler (Armstrong pensant que c’est Lee qui a emprunté le Rambler, et Harvey le bus) ? Et, surtout, comment aurait-il pu s’y trouver aussi vite, s’il a pris l’ascenseur sud-est (comme expliqué, supra), s’il est vrai que Mrs Reid l’y rencontre, environ deux minutes après les tirs ? Et comment le risque aurait-il été pris que Harvey, qui se trouvait (en chemise brune) dans la salle à manger, rencontre Lee, présent à quelques mètres de cette salle, alors que, si l’on en croit Dick Russell, il avait été averti, en septembre, par l’agent double Richard Nagell, qu’il allait servir de bouc-émissaire dans l’assassinat de Kennedy ? Harvey n’aurait-il fait part à personne de cet avertissement, laissant, du même coup, ses commanditaires dans l’ignorance qu’il était au courant et du risque que cela leur faisait prendre ? Du reste, indépendamment de cet avertissement, qu’il put rencontrer son sosie, au TSBD, à ce moment-là, n’était-il pas risqué ? Armstrong soutient, néanmoins, qu’ils se connaissaient et qu’ils étaient tous deux complices, dans cette affaire (et tous deux manipulés, Lee ayant sans nul doute été lui aussi éliminé, dans les heures suivant l’attentat), obéissant aux mêmes commanditaires. Enfin, la photo de Dillard qui montre incontestablement – quoiqu’en un détail de piètre qualité – une silhouette humaine à la fenêtre sud-ouest du 5ème étage, montrerait, selon Armstrong (ce qu’il n’est d’ailleurs pas loin de démontrer), la silhouette de Lee. Mais qu’aurait fait Lee à cet endroit – certes, en retrait de la fenêtre – lui dont la tâche aurait été de se montrer à la fenêtre sud-est, où l’on allait retrouver le nid du tireur, afin de pouvoir faire incriminer Harvey, celui dont la tâche avait été, jusque-là, de se faire passer, au besoin, pour un militant communiste ou pour un activiste lié à la mafia ?