7) Combien de tirs et de tireurs, et où ces derniers étaient-ils situés, sur Dealey Plaza ?
Lorsque Dougherty dit avoir entendu une détonation, avant d’avoir déjeuné, il est sous le coup du réflexe consistant à situer la détonation au moment à propos duquel il peut avouer qu’il a vu plusieurs personnes au cinquième étage ; car, pour lui, c’est un fait (qu’il ne peut pas avouer, mais qu’il ne peut pas non plus contredire) : la détonation entendue est liée à la présence de plusieurs individus à cet étage. A la suite, il peut avouer sans problème qu’il est remonté au cinquième étage, au moment de reprendre son travail, après 12 h. 40, soit après avoir déjeuné... et après l’attentat. Ce qu’il est ainsi censé insinuer, autrement dit faire semblant de concéder, c’est que, lorsqu’il est remonté au cinquième étage, après avoir déjeuné, il n’y avait personne (sous-entendu, personne de visible, alors que, bien sûr, quelqu’un pouvait être caché dans le « nid du tireur », et que, du reste, lui-même pouvait ne pas s’être rapproché de ce dernier, ne même pas l’avoir eu dans son champ de vision). Tout semble indiquer qu’il fait un blocage, qui tient dans le nœud suivant : il y avait plusieurs individus au cinquième étage, lorsque eut lieu la détonation et que lui se trouvait au quatrième étage.
A propos de cette détonation unique et très forte qu’il compare à une explosion de gaz d’échappement de voiture, on peut avancer l’hypothèse suivante (nonobstant que la comparer à un gaz d’échappement de voiture peut, à la rigueur, signifier qu’on la situe au niveau de la rue) : au moment de l’entendre, il affirme s’être trouvé à environ trois mètres de l’ascenseur, cet endroit ayant donc pu se trouver dans l’aire commune de trois trajectoires acoustiques parties, pour l’une, de la fenêtre sud-ouest du 5ème étage du TSBD (l’onde de cette trajectoire ayant pu suivre le couloir aménagé – l'allée élargie – par le déplacement des caisses de livres du côté ouest de l’étage vers le côté est, déplacement qu’avait effectué, dans la matinée, l’équipe de Lovelady attelée à la réfection du plancher, le long du mur ouest, et onde ayant pu finir par « tomber » dans la cage d’escalier toute proche, jusqu’à être assurément la plus audible des trois pour Dougherty) ; pour une autre, de la palissade en bois ou de la pergola couronnant le Grassy Knoll, sur lequel donnait une fenêtre située tout près de la cage d’escalier (fenêtre fermée, à l'instar de toutes les fenêtres de ce côté-ci du bâtiment) ; et, pour une autre, enfin, de l’immeuble Dal-Tex (où un tireur d'élite de la mafia, Jim Braden, sera arrêté par des hommes du shérif, dans l'heure suivant l'attentat, avant d'être relâché, trois heures plus tard, faute d’éléments incriminants, sans que soit, d'ailleurs, exclu que sa présence en ce lieu, tout comme celle d'autres membres de la mafia, sur Dealey Plaza, au même moment, ait été le produit d'une manipulation, dans l'optique de pouvoir les faire accuser, au besoin – cf. Marrs, « Crossfire », p. 327-330 – voire, dans l’optique de faire aussi accuser le milieu des exploitants pétroliers, dans la mesure où, la veille de l’attentat, Braden avait rencontré Lamar Hunt, fils du chef de leur syndicat, Haroldson L. Hunt, au domicile de ce dernier, où se trouvait aussi, ce même jour, Jack Ruby, qui affirmera y avoir accompagné une jeune femme à la recherche d’un emploi, double rencontre qui pourrait avoir été tramée par une personne cherchant à compromettre le trio – cf. Jim Garrison, « JFK, affaire non classée », p. 191-192 et 291 – À l’appui de cette dernière hypothèse, on notera l’effort déployé par deux membres de la commission Warren, dont le président Warren lui-même, lors d’une séance extraordinaire d’interrogatoire de Ruby, à sa prison, le 7 juin 1964, pour faire dire au prisonnier qu’il s’était entretenu, « pendant une ou deux heures », avec « un gros pétrolier », à son bar-club, « une à deux semaines avant l’assassinat », rencontre totalement inventée par la commission, comme l’explique Mark Lane – cf. « L’Amérique fait appel », p. 243-245 – et qu’ignorait un mémorandum du FBI du 24 février précédent – cf. WCRHE, XXVI, p. 473 – Dans un autre registre, on notera qu’un certain Larry H. Florer, employé d’une société texane, sera lui aussi arrêté par des policiers, dans le Dal-Tex, dans la demi-heure suivant l’attentat, avant d’être lui aussi relâché ; comme Braden, il justifiera s’y être trouvé à la recherche d’un téléphone – cf. sa déclaration devant notaire pour le shérif du 22 novembre 1963 et le rapport du FBI du 23 novembre 1963). Cette confluence acoustique de tirs simultanés viendrait appuyer la thèse, défendue par certains (notamment sur la base de témoignages de médecins ayant pratiqué la première autopsie ou ayant étudié ultérieurement ses radiographies, faisant état de la présence de fragments et de traces d'au moins deux balles distinctes dans le crâne du Président – cf. Marrs, ibid., p. 367 et 369), de l’existence de deux ou trois tirs simultanés, dont au moins deux auraient atteint, en même temps, la tête de Kennedy, l’un par l’arrière, l’autre par l’avant, comme peut en témoigner le film de Zapruder, alors que le tir effectué depuis la fenêtre sud-ouest du TSBD aurait échoué et pu toucher Connally... La raison de cet échec aurait-elle pu être l’irruption inopinée de Dougherty, deux ou trois minutes plus tôt, juste dans le couloir mentionné plus haut, au bout duquel se trouvait la fenêtre – ou à un endroit du couloir longeant le mur sud – cette irruption ayant pu déconcentrer le tireur, sans pour autant le dissuader, au cas où il aurait été certain que Dougherty n’avait pas vu son arme, ou encore au cas où il aurait réussi à le tromper, en lui présentant une fausse carte d'agent du Secret Service ?
Cette simultanéité de tirs aurait pu avoir été savamment mise au point, pour donner l’impression sonore d’un unique tir et pour neutraliser l’effet visuel d’un tir effectué par l’avant : l'impression d'un unique tir effectué par un unique tireur, situé à l’arrière de la Lincoln. Rappelons que certains témoins, situés depuis Houston Street (comme James Worrell et Pauline Sanders) jusqu’au Triple Underpass (comme Sam Holland), ont entendu quatre détonations, l'un des témoins les mieux placés (sur le terrain gazonné séparant Elm Street et Main Street) pour pouvoir juger de leur nombre et de leur provenance, Jean Hill, qui, avec son amie Mary Moorman, était, en outre, le témoin le plus proche de la Lincoln présidentielle, au moment du ou des tirs fatals sur la tête du Président, affirmant indéfectiblement en avoir entendues « entre quatre et six », et avoir « vraiment pensé qu’ils venaient de la butte », tout en étant « persuadée qu’il n’y avait pas qu’un seul tireur » (témoignage devant la commission Warren, et Marrs, ibid., p. 456) ; ce que viendront étayer, après avoir analysé les enregistrements sonores des communications policières et le film de Zapruder, Gary Mack, dans un article paru en 1977, et Homer A. McMahon, lors d’auditions par l’ARRB, en 1997 – le premier, devenu par la suite conservateur du Six Floor Museum, à Dallas, affirmant que l’enregistrement sonore indiquait jusqu’à sept tirs, le second, ayant dirigé le laboratoire d'analyse photographique de la CIA, le NPIC, au moment où le film de Zapruder lui fut soumis, en décembre 1963, déclarant penser que « le Président Kennedy a été touché à six ou huit reprises par des tirs provenant d’au moins trois directions (…) [bien que] le consensus [fût] de deux ou trois tirs sur Kennedy, qui atteignirent Connally par ricochet » (auditions téléphoniques des 7 juin et 14 juillet 1997 – cf. ibid., p. 497 et 511, et Douglass, ibid., p. 616). Ces détonations incluraient donc les trois du Mannlicher-Carcano – lequel fusil, au demeurant, a été retrouvé réarmé (c’est-à-dire avec une cartouche pleine dans le canon), alors que trois cartouches vides sont censées avoir été retrouvées au sol, à l'intérieur du « nid du tireur » – disposées de façon aléatoire, selon la version officielle ; cartouches vides que, quelques minutes après leur découverte (quinze à vingt minutes, selon le shérif-adjoint Mooney, qui affirme avoir passé ce temps à en assurer la garde, sans y toucher – cf. procès-verbal de son audition par la commission Warren), le capitaine Fritz ramasse pour les présenter au caméraman Tom Alyea, qui n'arrivait pas à viser, avec sa caméra, l'intérieur du « nid », par-dessus la rangée de caisses, pour faire un gros plan des cartouches (cette séquence du film montrant les cartouches dans la paume tendue de Fritz, si elle a été tournée, n’a jamais été publiée, peut-être pour occulter la grave faute professionnelle de ce dernier, comme l’aurait donc fait aussi le rapport de la commission Warren – p. 79 – Fritz qui, du reste, n’a jamais avoué – du moins, publiquement – y avoir touché, de ses mains nues, et ne s’être même pas assuré que des photos en avaient été prises, au préalable) ; mais cartouches dont on peut douter de l’authenticité de l'une d'elles et, du même coup, de leur nombre, Fritz prétendant avoir oublié d'en remettre une au FBI, pendant quelques jours – comme viennent l'étayer un rapport de la police de Dallas, daté du 22 novembre, et deux récépissés du FBI adressés à cette dernière, l'un pour des cartouches vides, l'autre pour des photos de ces mêmes cartouches, autant de documents ne faisant état que de deux cartouches vides de 6,5 mm trouvées au sol du 5ème étage, près de la fenêtre sud-est – qui plus est, l'une des trois cartouches vides finalement rassemblées par le FBI présentant des marques d’usage différant de celles des deux autres et semblant interdire qu'elle ait été chargée dans le Mannlicher-Carcano (cf. Marrs, ibid., p. 417-418). Selon ce que suppose Alyea, dans une correspondance avec Pierre Nau, vers la fin des années 1990 (cf. « Interview de Tom Alyea, premier reporter au cinquième étage », sur le site « JFK – l'assassinat, les questions »), Will Fritz – qui, rappelons-le, dirigeait le bureau des homicides de la police de Dallas et était chargé de l'enquête – n'aurait pas remis au sol les cartouches, après les avoir ramassées, mais les aurait mises dans sa poche. Pourtant, si l’on en croit Gary Mack, le même Alyea avait affirmé, en 1985, que le capitaine les avait rejetées à l’intérieur du « nid », après les lui avoir présentées (cf. Marrs, ibid., p. 417) ; témoignage que, dans une interview accordée en 1994 à Richard Bartholomew, confirme J. W. Hughes, spécialiste du reportage d’Alyea au TSBD, tout en ajoutant avoir visionné la scène sur une version du film, en une séquence antérieure à celle montrant l’extraction du fusil par Boone (cf. « The gun that didn’t smoke », part 2, section 2) ; et témoignage que la journaliste Connie Kritzberg ne contredit pas, lorsque, toujours en 1994, dans son ouvrage « Secrets from the sixth floor window », elle rapporte que le caméraman lui a déclaré ne pas pouvoir se souvenir de ce que Fritz avait fait des cartouches, après les lui avoir présentées, le mur de caisses ayant dérobé à sa vue ses avant-bras et le bas de sa veste. Selon l’ultime version d’Alyea, qui soutient que Kritzberg a mal rapporté ses propos (ce sur quoi on pourrait lui demander : et Mack et Hughes aussi ?), l'équipe du laboratoire d'enquête criminelle, conduite par le lieutenant Day, aurait, environ une demi-heure plus tard, replacé, au sol, les cartouches, en les jetant, au hasard, par la main du détective photographe Robert L. Studebaker, après que venait de les lui remettre Fritz, afin qu’elle effectue, entre autres, les photos du « nid » qui n'avaient pas encore été faites (parmi lesquelles figurera la photo constituant l'exhibit n° 510 de la commission Warren, que, devant la même commission, Mooney déclare ne montrer qu’une disposition des cartouches proche de la disposition originelle… à savoir, en fait, la disposition censée avoir été originellement vue par Fritz et Alyea… et non par lui-même, comme nous allons le voir…). Il reste qu’Alyea prétend avoir fait sa rencontre avec Fritz, au 5ème étage, avant l’arrivée de Mooney, et que celui-ci, qui est généralement (du moins, officiellement) reconnu pour être le découvreur des cartouches (cf. notamment le rapport du shérif-adjoint Ralph Walters, qui était présent sur les lieux, daté du 23 novembre, et celui de la commission Warren, p. 79), a fait de ces dernières, selon Jim Marrs, la même description que celle faite par Roger Craig (cf. ibid., p. 417) (Notons qu’elles pourraient avoir été découvertes par le policier Gerald Hill – cf. Groden, « The killing of a president », p. 101 – lequel, en effet, comme nous le verrons, annonce, très tôt et peut-être le premier, sinon lui seul, leur découverte, par la fenêtre sud-est, et qui pourrait avoir refilé la découverte à l’équipe du shérif, par connivence avec son supérieur Will Fritz, qui, comme nous le verrons, aurait eu changé leur disposition au sol. Il reste que, lors d’une interview accordée à une radio, le jour-même, il admet avoir procédé à l’inspection de l’étage, avec deux shérif-adjoints, et plus encore : « l’un de ces adjoints et moi avons été assez chanceux de trouver la fenêtre d’où les tirs ont été effectués et aussi les trois cartouches gisant au sol » – WCD 1210). Dans la deuxième partie de son ouvrage « When they kill a president », Craig écrit : « Luke Mooney et moi avons atteint, en même temps, le coin sud-ouest [du cinquième étage]. Nous avons immédiatement trouvé trois cartouches de fusil posées de telle façon qu’elles paraissaient avoir été soigneusement et délibérément placées là – bien en vue sur le plancher de la fenêtre du coin sud-ouest. Mooney et moi avons examiné très attentivement les cartouches et avons remarqué combien elles étaient proches les unes des autres. Les trois n’étaient pas à plus de trois centimètres d’intervalle et toutes étaient tournées dans la même direction (…) (The three of them were no more than one inch apart and all were facing in the same direction) » ; témoignage qu’il renouvellera, trois ans plus tard, en avril 1974, dans son interview par Ted Gandolfo, tout en précisant qu’elles étaient disposées « en rang » (« in a row ») (cf. Mark Lane, « Two men in Dallas »). En outre, devant la commission Warren, il avait précisé bien se souvenir qu’elles étaient situées à environ trente centimètres de la fenêtre, à droite de celle-ci. Il s’agit donc d’une disposition totalement invraisemblable, étant donné que le fusil devait avoir éjecté ses cartouches, sur la droite et l'arrière du tireur, dont le profil gauche s’offrait à la fenêtre ou au mur.
Si ce sont bien, à la fois, Mooney et Craig qui ont déclaré avoir vu les trois cartouches vides disposées de cette façon (de son côté, Garrison, qui les a interrogés, précise : « presque parallèles » – « close together and almost parallel to each other » – ibid., p. 85), cela pourrait signifier, d'une part, que tous deux n'avaient pas précédé Fritz, sur les lieux – lequel, pourtant, fit un aller-retour à l'hôpital Parkland, avant d'entrer dans le TSBD, à 12 h. 58, selon sa propre déclaration devant la commission Warren – et, d'autre part, que, contrairement à ce que ne fait que supposer Alyea, dans ses dernières déclarations, Fritz aurait replacé lui-même – qui plus est, soigneusement – les cartouches, au sol, au lieu de les remettre, environ une demi-heure plus tard, à Studebaker, pour qu'il le fasse, étant bien entendu que Mooney et Craig ne sont certainement pas arrivés au 5ème étage, une heure après l’attentat. D’un autre côté, l’existence de deux dispositions désordonnées différentes des cartouches dont a témoigné Mooney (cf. supra) accrédite que Fritz les aurait rejetées au sol, avant qu’elles aient été, de nouveau, ramassées pour être examinées par Day, puis, de nouveau, rejetées au sol pour être photographiées par Studebaker. Au demeurant, si, devant la commission Warren, Mooney ne fait que laisser entendre qu'il est celui qui a découvert le « nid » et les cartouches, sans que, d'ailleurs, la commission ne l'interroge directement, à ce sujet, Craig, quant à lui, déclare avoir été présent au 5ème étage, lorsque ces dernières ont été découvertes (avant 13 h. 06, qui est l’heure à laquelle il situe la découverte du Mannlicher-Carcano… ou Mauser, et donc bien avant 13 h. 12, qui est l’heure à laquelle le rapport de la commission Warren – p. 79 – situe approximativement leur découverte, le témoignage de Craig étant corroboré par celui de Mooney, qui, devant la commission, situe cette même découverte au plus tard à 13 h., Walters, de son côté, la situant – sans que cela favorise les témoignages de Craig et Mooney ou l’estimation de la commission – environ cinq minutes avant l’arrivée de Fritz à l’étage ; Fritz dont le subordonné Richard M. Sims, qui l’accompagnait à l’hôpital et à son retour à Dealey Plaza, confirme l’arrivée au TSBD entre 12 h. 58 et 13 h., et qu’il fait ensuite monter directement au 6ème étage avant de le faire descendre au 5ème, parce que quelqu’un venait d’y annoncer la découverte des cartouches, comme le confirme son collègue Elmer Boyd, qui lui aussi accompagnait le capitaine… découverte qui, remarquons-le, pouvait avoir eu lieu, depuis déjà quelques minutes, plusieurs annonces ayant pu se succéder, à destination de nouveaux arrivants – cf. rapport de Walters, réf. supra, et auditions de Sims et Boyd par la commission Warren). Il reste que, toujours devant la commission, Craig affirme n’avoir pas pu identifier la personne qui a annoncé la découverte, en la criant ; annonce que, devant la même commission, le shérif-adjoint Eugene Boone ne dit pas avoir entendu criée, mais avoir appris d’individus croisés (« Ils disaient que les cartouches avaient été trouvées au 5ème étage (6th floor) »), le même affirmant, par ailleurs, n’avoir appris que plus tard que la découverte avait été faite par Mooney, autant de déclarations qui n’ont rien d’étonnant, dans la mesure où il affirme avoir, avant d’entrer dans le TSBD, participé à l’inspection du Grassy Knoll et du secteur de la voie ferrée puis s’être rendu au bureau du shérif, pour y accompagner un touriste qui voulait y déposer les photos d’une partie de la façade du TSBD qu’il avait prises, juste avant les tirs – cf. son rapport au shérif du 23 novembre – bureau où il rencontre des collègues, parmi lesquels il se souvient avoir vu Ralph Walters mais pas Mooney, et sans dire mot de Craig, sans doute parce que celui-ci en était déjà reparti, après y avoir, lui aussi, accompagné, mais sans s’attarder, deux témoins – les époux Rowland – rencontrés lors d’une brève incursion au Grassy Knoll : collègues qui revenaient du 6ème étage pour chercher des lampes portatives – Boone laissant ainsi clairement entendre qu’il ne fut pas parmi les premiers à atteindre le 5ème étage, où Mooney et Craig pouvaient donc facilement déjà se trouver (Sous réserve que la déclaration de Craig faisant état d’une découverte criée ait consisté en l’une des falsifications de son audition dénoncées par lui-même – dont nous avons déjà parlé, p. II – la voix n'était manifestement pas celle de Mooney, que Craig connaissait bien, tout comme, d’ailleurs, le connaissait Boone ; pour autant, elle n'était pas nécessairement celle du découvreur, que, de son côté, le policier Gérald Hill, qui affirme avoir été présent, comme le confirme Mooney, précise ne pas avoir été – cf. supra – Hill que le détective V. J. Brian dit avoir entendu, depuis l’extrémité opposée de la salle, crier la découverte. Il reste que Mooney et Hill ont crié, chacun à leur tour, par la fenêtre sud-est, la nouvelle de la découverte, au shérif Bill Decker, qui se trouvait sur le trottoir nord d’Elm Street (en ce qui concerne Hill, c’est prouvé par une photo le montrant penché à la fenêtre et scientifiquement horodatée à 13 h. 03 par Richard Bartholomew), Mooney ajoutant l’avoir fait aussi, par la même occasion, au capitaine Fritz, mais alors que celui-ci prétend avoir appris la nouvelle, à l’intérieur du bâtiment – comme nous avons vu Sims et Boyd le confirmer – cf. le rapport de Mooney au shérif daté du 23 novembre, les procès-verbaux des auditions de Fritz, Brian, Sims et Boyd par la commission Warren, et Graf and Bartholomew, « The gun that didn’t smoke », ibid.).
Les tireurs avaient-ils rassemblé les cartouches, pour les placer inconsidérément, alignées et en évidence, sous la fenêtre est, avant de partir et avant que quelqu'un ne visite les lieux, entre le groupe Mooney et Craig et le groupe Alyea et Fritz, en jugeant devoir les disperser, pour donner plus de vraisemblance à la scène ? Ou bien, plutôt qu’un intermédiaire, n’est-ce pas Fritz lui-même qui a procédé à ce réaménagement de scène – ce que tenteraient de dissimuler, outre le témoignage de Hill, déniant avoir découvert la scène, celui changeant d’Alyea ? A l’appui de cette dernière hypothèse, on notera que, lorsqu’Alyea manifeste son envie de filmer l’intérieur du « nid », Fritz lui interdit de se frayer un passage, à travers les caisses, mais juste avant que lui-même ne s’y faufile pour s’emparer, à pleines mains (nues), des cartouches, un tel empressement à préserver l’agencement des caisses plutôt que la disposition et les empreintes digitales des cartouches le montrant plutôt soucieux de soustraire l’intérieur du « nid » à la vue et à la pellicule du caméraman. Quoi qu'il en soit, il reste à comprendre pourquoi les premiers documents officiels recensent deux cartouches vides et non trois, puis trois cartouches vides, dont l'une semblait n'être pas du même lot d'utilisation que les deux autres. L'une des trois pourrait-elle, tout simplement, avoir été perdue, pendant ou après son transport au bureau de Fritz, avant d'être remplacée par une autre similaire ? Selon le témoignage du lieutenant Day et de son collègue Richard Sims devant la commission Warren, Day a fait photographier les trois cartouches, les a examinées puis les a remises à Sims, lequel les a ensuite mises dans une enveloppe en papier non scellée (mais on suppose cachetée), sur laquelle il a inscrit ses initiales, la date et l’heure, et les a apportées, vers 14 h., au bureau de Fritz, où il les a laissées, alors que ce dernier était absent. Mais le témoignage de Sims à ce sujet reste problématique, empreint d’invraisemblance : il déclare qu’il ne peut faire le récit des événements que parce que Fritz lui a rappelé, depuis cette date, ce qui s’était passé, à l’époque… Lui qui aurait donc été présent avec ce dernier, au moment où les cartouches des trois balles censées avoir été tirées sur le Président ont été bougées et extraites du « nid » pour la première fois, et qui aurait ensuite été l’un des tout premiers à les avoir dans les mains, n’aurait pas été en mesure, moins de cinq mois plus tard, de se souvenir spontanément de ce qui en avait été fait, dans l’heure suivant leur découverte près de la fenêtre sud-est, là où elles étaient censées être restées étroitement surveillées, depuis qu’elles avaient été découvertes… Si l’une des cartouches a été perdue ou dérobée à ceux qui en avaient la garde, pourquoi Sims ou Fritz ne l'auraient-ils jamais avoué ? Ou bien l'une des trois avait-elle été utilisée, depuis la fenêtre sud-ouest, par le deuxième tireur, qui, avant de quitter les lieux, l'aurait jetée, à l'intérieur du « nid », à côté de celles tirées depuis la fenêtre sud-est ; ce qui – si l’on n’admet pas que Mooney et Craig ont été les premiers ou parmi les premiers (avec Hill) à voir les cartouches, du moins disposées de la façon qu’ils ont décrite – pourrait expliquer que, lors de sa première inspection du « nid », c'est-à-dire avant que Fritz n'y intervienne pour l’aider à filmer, Alyea dise en avoir vu une éloignée des deux autres, qui plus est, située plus à l'ouest qu'elles – nonobstant qu’on a plutôt tendance à penser qu’il décrit ainsi une nouvelle disposition qu’aurait effectuée Fritz ? (À propos de cette troisième cartouche, voir le procédé de tir par un canon d’un calibre supérieur à celui des munitions, appelé procédé du « sabot », dont parle Marrs, en rapportant même des indices que des balles de 6,5 mm pourraient avoir été tirées, sur Dealey Plaza, par des fusils d’un plus gros calibre que le Mannlicher-Carcano – ibid., p. 306-307 et 367).
Toutes ces considérations permettent de supposer que le tireur de la fenêtre sud-est s’est trouvé en retard sur les autres tireurs, qu’il devait initialement accompagner, ne serait-ce que pour qu’une troisième cartouche vide au sol vienne masquer leurs tirs, et qu’il a préféré ne pas ajouter une ultime détonation aux leurs, d’autant plus que la cible avait, de toute évidence, été mortellement touchée – y compris, à ses yeux, dans la mesure où des témoins (notamment Brennan) le décrivent demeurant dans l'embrasure de la fenêtre pour mieux observer l'état de sa cible, après ses tirs (attitude dont nous donnons, plus bas, une autre explication possible, d'ailleurs compatible, et qui, au demeurant, cadre mal avec sa supposée précipitation à rejoindre la salle à manger du 1er étage). Dans ce cas, si le tireur sud-ouest place finalement sa cartouche utilisée avec celles du tireur sud-est, plutôt que de s'en débarrasser autrement, ce pourrait être parce que ce dernier venait de faillir à tirer le nombre de balles prévu : 3 – quoique l'on admettra aussi que, étant donné que plusieurs vagues de tirs avaient finalement été effectuées sur Dealey Plaza, le mieux était de laisser un maximum de cartouches vides dans le « nid ». A propos de ces vagues de tirs, ne doit pas être négligé le signal que pourrait avoir constitué, en bas du Grassy Knoll, juste après les tirs effectués depuis le TSBD, le fameux mouvement d’élévation du parapluie ouvert tenu par l’« umbrella man », suivi du lever de main de son accompagnateur, le « dark complected man », ce dernier s’avançant jusqu’à l’extrémité du bord du trottoir, comme s’il avait pu chercher à être mieux vu depuis le Dal-Tex et/ou à se trouver quasiment dans le champ de vision de tireurs ayant leurs lunettes de tir pointées sur la Lincoln présidentielle… Il s'agirait donc d'un nouvel indice de l'existence de tirs effectués depuis l'arrière dont tous n'avaient pas été programmés pour être des tirs de diversion.