3) Précisions concernant l’emploi du temps d’Oswald :
Entre 12 h. 20 et 12 h. 35, Oswald se cache, conformément aux consignes qu’il a reçues – consignes dont il ignore, bien sûr, la raison profonde : il ne doit pas être vu ailleurs qu’au 5ème étage, pendant l’attentat, pour que sa participation directe aux tirs soit vraisemblable. Néanmoins, il a choisi d’appliquer approximativement la consigne, en se contentant d’être discret, dans la salle à manger, au 1er étage – qui est une façon de l’appliquer dont on pourrait juger qu’elle n’a, en soi, ni grande signification, ni grande valeur (Oswald ayant forcément eu conscience que la consigne ne tenait qu’à la nécessité de monter le guet au 5ème), si ce n’était qu’elle laisse entendre qu’il lui était risqué, pour ne pas dire interdit, de descendre plus bas, jusqu’au rez-de-chaussée et même jusqu’au trottoir d’Elm Street, dans la mesure où il aurait su que des hommes du complot (on pense aux inconnus vus par Victoria Adams, Sandra Styles et Marrion Baker, au rez-de-chaussée – cf. p. XII) – sans parler de possibles simples témoins étrangers au complot – s’y trouvaient et pouvaient rapporter sa désobéissance (ce qui risquait d’entamer les bénéfices qui lui auraient été promis, ne serait-ce que son maintien dans des officines ou services impliqués). D’un autre côté, on ne peut pas totalement exclure l’hypothèse que sa tâche aurait consisté à se trouver, d’emblée, dans la salle à manger (étant donné la discrétion du lieu et sa relative neutralité, eu égards aux événements – cf. infra), à un étage offrant une situation intermédiaire entre les deux étages du dessous (dont le sous-sol) et les trois étages du dessus avant le 5ème (étages dont les deux premiers étaient administratifs et qu’il ne lui était donc pas possible d’occuper, sans éveiller l’attention) ; étage d’où il aurait eu à gérer le mouvement des ascenseurs, quitte à descendre ou monter pour débloquer et/ou envoyer celui ouest ou pour amener celui est, de telle sorte qu’au moins l’un d’eux se trouve à la disposition des tireurs au 5ème étage ou à un étage contigu : le pari aurait été ainsi pris par les chefs du complot qu’il n’allait y rencontrer personne, juste avant et pendant les tirs. Quoi qu’il en soit, vers 12 h. 32, il s’est avancé sur le palier, hors du vestibule de la salle à manger, intrigué par les cris de Truly réclamant l’ascenseur, depuis le rez-de-chaussée. Ensuite, ayant entendu ce dernier et Baker s’engager dans les escaliers, il revient subitement sur ses pas, pour disparaître derrière la porte du vestibule. De justesse. Ou presque de justesse, puisque, la porte étant vitrée dans sa partie haute, Baker n’a pas manqué de l’apercevoir (sous réserve des premiers témoignages de Truly, que nous avons cités et commentés, dans la première partie).
Dans le cas de notre première hypothèse – la plus probable, elle seule pouvant garantir, a priori, l’absolue invisibilité d’Oswald ailleurs qu’au 5ème – tout laisse penser qu’Oswald n’a pas scrupuleusement respecté les consignes, dont, du reste, il ne pouvait aucunement connaître, ni peut-être même soupçonner, leur principale ou véritable raison d’être. D'un autre côté, étant employé du TSBD, il ne pouvait pas comprendre en quoi sa présence dans la salle à manger, même alors que le cortège présidentiel passait dans la rue, aurait pu paraître suspecte, injustifiable, incriminante, aux yeux d’enquêteurs, d’autant plus que les tirs auraient eu lieu quatre étages plus haut. Certes, la grande attractivité des événements dans la rue rendait peu probable que quelqu’un se rende dans la salle à manger (privée d’ouverture donnant à l’extérieur du bâtiment), pendant qu’ils avaient lieu, néanmoins il est non moins probable qu’Oswald avait bien reçu la consigne de faire le guet entre la cage d’escalier reliant le cinquième étage au quatrième et les portes de l’ascenseur ouest, afin de surveiller tout mouvement d’ascension (étant habitué des lieux, il était le plus capable de détecter les bruits ou vibrations causés par un tel mouvement), puis de fuir, dès les détonations, pour ne pas être en situation de constater que les tireurs n’emportaient pas le Mannlicher-Carcano, son fusil. Au demeurant, la visite à la salle à manger que semble bien avoir effectuée Carolyn Arnold prouverait a posteriori que la consigne de rester parfaitement caché était pleinement justifiée. Lorsqu’il quitte prématurément son poste de garde, il estime sans doute que tous les employés du TSBD, de même que les tireurs, sont désormais rivés à leurs postes d’observation (fenêtres, porte d’entrée et trottoirs), qu’aucun d’eux ne se déplacera dans l’immeuble. Du même coup, il estime que, pour lui, la voie ne sera jamais aussi libre que dans le cas présent. C’est sans doute, en effet, la crainte de demeurer dans la zone des tireurs, et surtout d’y être surpris par quelqu’un d’étranger à l’attentat (notamment par un collègue, en mesure de bien l’identifier), qui l’a fait descendre, quelques minutes avant le moment prévu, par exemple, juste avant l’arrivée de Dougherty, qui eut lieu vers 12 h. 27, à moins que ce ne soit précisément celle-ci qui l’ait poussé à quitter les lieux, peut-être sans avoir eu le temps d’être identifié par l’arrivant. Dans ce dernier cas, cette arrivée pourrait ne pas l’avoir pris de court, lui ayant laissé le temps d’alerter les tireurs puis de fuir, avant l’ouverture des portes de l’ascenseur et l’irruption de Dougherty (bien que l’ascenseur ouest utilisé par ce dernier était le plus silencieux des deux et que ses portes étaient ajourées et s’ouvraient juste en face de l’entrée de la cage d’escalier par laquelle il devait fuir). Les tireurs auraient donc eu le temps de cacher leurs armes. Cette hypothèse est néanmoins infirmée par le fait qu’il ne donne aucun signe d’agitation ou d’inquiétude, lorsque Baker le rencontre, alors même qu’il n’aurait pas connu l’issue du face-à-face entre Dougherty et les tireurs. On penchera donc plutôt pour son départ du 5ème étage, avant l’arrivée de Dougherty, soit entre 12 h. 20 et 12 h. 26, voire entre 12 h. 20 et 12 h. 22, si on admet qu’Arnold l’a vu, dans la salle à manger, vers 12 h. 23, voire encore entre 12 h. 15 et 12 h. 22, dans la mesure où l’heure de départ de Williams du 5ème étage que nous avons retenue jusque-là (12 h. 20) est basée sur l’évaluation maximale de la durée de sa présence à cet étage, qui permet, le mieux, à l’équipe de Jarman de s’installer à l’étage inférieur, avant qu’il ne puisse la rejoindre, étant donné que, d’une part, Jarman évalue à entre 12 h. 20 et 12 h. 25, et Norman, à 12 h. 15 (voir infra), le moment où tous deux quittent le trottoir d’Elm Street pour rejoindre l’arrière du bâtiment et monter au quatrième étage, et que, d’autre part, on ne peut que soupçonner le premier de fixer cette heure excessivement rapprochée de celle de l’attentat, afin d’écarter (légitimement) les éventuels soupçons de leur participation à celui-ci (voir, dans notre première partie, une autre hypothèse, qui pourrait bien être la bonne : rendre impossible que Dougherty ait emprunté l’ascenseur, à ce moment) (Jarman va jusqu’à prétendre avoir pris l’ascenseur, entre 12 h. 25 et 12 h. 28, alors même que l’heure officielle du passage du cortège présidentiel, sur Elm Street, était fixée à 12 h. 25 – même à supposer qu’il avait eu écho du retard de cinq minutes – quelqu’un comme Mrs Reid ayant été au courant et ayant pu en informer autour d’elle – la marge était faible pour un détour par l’arrière du bâtiment, d’autant plus que les ascenseurs pouvaient n’être pas disponibles et qu’une accélération subite du cortège était toujours possible) ; sans compter que le témoignage de Rowland, selon lequel, juste après qu’il eut vu l’homme armé à la fenêtre sud-ouest du 5ème étage, la radio de la moto d’un policier, arrêtée près de lui, annonça le passage du cortège présidentiel sur Cedar Springs Road – qui eut lieu autour de 12 h. 16 – ne peut que faire avancer le moment où Williams quitte l’étage, et donc, d’autant plus, le moment où l’équipe de Jarman s’installe à l’étage inférieur, sauf à admettre que Williams (qui n’a que 16 ans) ait côtoyé les tireurs, pendant quelques minutes (ces derniers pourraient l’avoir délogé, en se faisant passer pour des agents de la sécurité présidentielle). Avancer de deux à cinq minutes l’heure de départ de Williams du cinquième étage reste compatible avec l’heure de l’installation de l’équipe de Jarman au quatrième, telle que nous l’avons fixée, soit entre 12 h. 15 (voire avant) et 12 h. 20 – et ce, bel et bien en conformité avec le témoignage de Norman, effectué le 4 décembre 1963, devant le Secret Service, et selon lequel, il a quitté Elm Street pour le 4ème étage, vers 12 h. 15. Enfin, notons que la difficulté disparaît, si l’on retient le premier témoignage de Williams (recueilli par le bureau du shérif, le 22 novembre), selon lequel il a accédé directement au 4ème étage, depuis le rez-de-chaussée, avec Jarman et Norman, et, autant que le laisse penser son silence sur la question (qui peut néanmoins s’expliquer par la crainte d’être impliqué), sans jamais se rendre à l’étage supérieur.
Si le vendeur de confiserie du Texas Theatre, Warren H. Burroughs, ne se trompe pas ou ne ment pas, en disant avoir vendu à Oswald des popcorns, à son stand de confiserie, dans le hall central reliant le hall d'entrée du Theatre à la salle de spectacle, vers 13 h. 15 (il pourrait, au demeurant, s'agir d’une heure un peu plus tardive, soit plutôt vers 13 h. 20, s'il est vrai, comme le laisse entendre le même Burroughs, qu'Oswald ne fait qu'effectuer son achat, avant de rejoindre la salle, et surtout s’il est vrai – comme nous en discuterons, plus en détail – qu’il a rejoint cette salle, « environ vingt minutes » avant que n'y intervienne la police, comme l’a prétendu un spectateur présent dans la salle, Jack Davis, intervention de la police qui eut lieu vers 13 h. 50) (cf. Jim Marrs, « Crossfire », p. 342, et Douglass, « JFK et l'indicible », p. 389), Oswald pourrait avoir été déposé, vers 13 h. 05, aux abords d'East 10th Street, par une voiture qui n’était certainement pas celle de Tippit, ni, très probablement, celle des deux policiers ayant klaxonné devant son domicile, ni encore le Rambler qui l’avait pris sur Dealey Plaza (le cloisonnement des actions étant une obligation, lors d’un complot, notamment d'une telle ampleur). Ce dépôt en voiture tend à être prouvé par le fait que personne ne dit l’avoir vu se déplacer à pied ou en bus, depuis son domicile, à ce moment de la journée, qui était néanmoins le moment où la majorité de la population était occupée à suivre les événements, à la radio ou à la télévision. Burroughs pense qu’il a accédé à l’enceinte de spectacle (balcon + salle de spectacle), pour la première fois, « entre 13 h. et 13 h. 07 », par l’escalier menant du hall d’entrée au balcon, sans qu’il ait pu l’apercevoir, depuis son stand ; balcon d’où – bien que Burroughs n’en parle pas – il pourrait avoir ensuite rejoint le niveau du bas, par l’escalier nord, et être entré dans la salle, par l’une des deux portes nord, sans avoir dû passer devant le stand de confiserie, autrement dit, de nouveau, sans qu’il ait pu l’apercevoir, comme le dit parfaitement possible Julia Postal, devant la commission Warren, et comme peut l’étayer le témoignage de Davis, selon lequel Oswald quitte la salle, peu après le début de la projection du générique, qui eut lieu vers 13 h. 20 (Le témoignage de Burroughs laisse entendre que, entre 13 h. 07 et 13 h. 15, il se trouve hors de son stand, dans le hall, où il peut voir la porte d’entrée du bâtiment et l’escalier sud menant au balcon, et que, avant 13 h., Oswald ne peut pas avoir déjà parcouru le trajet depuis son domicile, alors que, au demeurant, les portes de la salle sont ouvertes depuis 12 h. 45, pour accueillir les spectateurs de la projection qui débute à 13 h., du moins pour ce qui est d’un dessin animé et d’un journal d’actualités, précédant le générique) (cf. Marrs, ibid., p. 353, Douglass, ibid., p. 390, et Myers, « With malice », note 624). Oswald pourrait avoir acheté des popcorns, au moment d’entrer dans le Texas Theatre, et non, comme le dit Burroughs, à un moment où il vient de quitter le balcon ou la salle de spectacle. Si Burroughs se trompe, en parlant d’un Oswald monté, à son insu, au balcon, et redescendu, un peu plus tard, pour acheter des popcorns à son stand et entrer dans la salle, Oswald pourrait avoir fait cet achat, pour banaliser son arrivée et sa présence ultérieure dans la salle, et ce, après qu’il eut sans doute payé son ticket d’entrée, contrairement à ce qu’a prétendu la guichetière Julia Postal, lors de sa déposition au bureau du shérif, le 4 décembre 1963, puis devant la commission Warren, alors que, le 23 novembre 1963, devant l’enquêteur Jones Harris qui l’interrogeait sur ce point, elle avait, par son attitude faite de sanglots et de mutisme, laissé clairement entendre le contraire, contraire dont Burroughs rapporte même à Jim Marrs qu’elle lui en a fait la confidence – cf. Tom Wallace Lyons, « The ruddy link between the Tippit murder and the Texas Theater » ; sa déclaration au shérif et à la commission Warren ayant pu, par contre, concerner le faux Oswald, quoique, à l’instar du marchand de chaussures John Calvin Brewer, dans le magasin duquel Oswald est censé avoir fait étape avant d’entrer dans le Texas Theatre, elle l’a décrit habillé d’une chemise brune et sans blouson (jacket), comme l’était le vrai Oswald, au moment de son arrestation (cf. infra). En parlant d’une heure d’arrivée d’Oswald si proche de l’heure à laquelle il est censé avoir quitté son domicile, Burroughs pourrait s’être trompé (plus sûrement qu’avoir menti, puisque la raison en serait, pour le moins, énigmatique, tant la version officielle s’en trouve réfutée, selon laquelle Tippit a été tué, vers 13 h. 15), soit en ayant éventuellement confondu Oswald avec un sosie qui, selon Burroughs lui-même et d’autres témoins, se serait trouvé lui aussi dans l’enceinte de spectacle, plus exactement au balcon, avant d’être arrêté, selon Burroughs, « trois ou quatre minutes » après Oswald (postérité dont nous verrons que des indices l’infirment, Burroughs – qui, selon John Armstrong, n'est jamais entré dans la salle, ni avant ni pendant l’intervention de la police – ayant néanmoins pu vouloir parler des sorties des deux suspects sous escortes, hors du bâtiment, plutôt que des arrestations proprement dites, à moins que l’une n’ait été annulée, avant d’être renouvelée, une fois l’autre effectuée, comme nous le verrons) – sosie qui n’aurait donc pas pu être l’assassin de Tippit, étant donné son heure d’arrivée, mais bien un second sosie – soit en s’étant trompé d’heure. Concernant la première hypothèse, on notera des témoignages d’officiels : deux communications radio de la police, à 13 h. 45 et 13 h. 46, avertissent que le suspect est supposé s’être réfugié au balcon du Texas Theatre (cf. WCHE XXI, p. 397, et XXIII, p. 873) ; plus tard, le même jour, un rapport de police sur l’homicide de J. D. Tippit affirme que « le suspect a été arrêté au balcon du Texas Theatre », et, le lendemain, un rapport de l’inspecteur L. D. Stringfellow affirme que « Lee Harvey Oswald a été arrêté au balcon du Texas Theatre », tandis que le 3 décembre, dans leurs rapports respectifs au chef de la police Jesse Curry, deux policiers, E. L. Cunningham et John B. Toney, qui avaient été dépêchés sur les lieux pour arrêter le suspect, et qui, aussitôt arrivés, s’étaient dirigés vers le balcon, en empruntant les escaliers partant du hall d’entrée, déclarent, l’un : « On nous a dit que le suspect était au balcon. Nous avons questionné un jeune homme qui était assis dans les escaliers, quand le directeur [de l’établissement] nous a dit que le suspect était au premier niveau », l’autre : « Il y avait un jeune homme assis près du haut des escaliers et nous avons été informés par le directeur de service que le sujet était dans le Theatre depuis environ 12 h. 05 (sic). À ce moment, ma montre indiquait 13 h. 55. À ce moment, j’entendis quelqu’un dire, d’une voix forte, depuis le niveau principal : ″Il est ici, en bas″ » (À noter que, selon la déposition de Julia Postal au bureau du shérif du 4 décembre, le directeur de l’établissement, John Callahan, a quitté le Theatre, au volant de sa voiture, vers 13 h. 35, juste après l’entrée du suspect, pour aller suivre, par curiosité, une voiture de police qui venait d’emprunter, à vive allure et sirène hurlante, le boulevard, vers l’ouest – la voiture, qui selon Brewer, une fois passée devant son magasin, lui avait paru avoir laissé le champ libre au suspect pour quitter celui-ci et gagner le Theatre, suspect qui n’avait pas encore été vraiment identifié comme tel, dans le Theatre, puisque Brewer ne s’y était pas encore rendu… là où, selon J. Armstrong, Callahan n’est pas revenu de sitôt, au point de n’avoir pu assister à l’arrestation d’Oswald, contrairement à ce que laissent entendre Cunningham et Toney, bien que l’on puisse objecter que l’expression assez ambivalente « manager on duty » utilisée par le second pourrait avoir désigné une personne ayant fait office de directeur, en l’absence de celui-ci : on peut penser au projectionniste, auquel s’adresse Paul Bentley, au balcon, pour lui demander d’augmenter l’éclairage). En 1987, le shérif-adjoint Bill Courson, qui fut l’un des tout premiers intervenants officiels à entrer au Texas Theatre, par l’avant, dira à Larry A. Sneed : « J’ai commencé à monter les escaliers du balcon, car c’était là que l’appel [à la police] disait qu’il s’était caché (…) Je suis raisonnablement assuré, dans mon esprit, que j’ai rencontré Oswald en train de descendre », individu qu’il laissera finalement libre de ses mouvements, car, d’une part, il ne demeurait pas au balcon (où il était censé s’être réfugié), et, d’autre part, il ne répondait pas au signalement vestimentaire, portant « une sorte de chemise à carreaux ou à motifs en quadrillage, et non le blouson de couleur claire » (« a kind of plaid or checkered patterned shirt, not the light colored jacket ») (« No more silence », p. 484) (description de la chemise pouvant correspondre à la WCE 150, la chemise que portait Oswald au moment de son arrestation – le jugement de Courson étant, au demeurant, étayé par le fait que le tueur de Tippit n’a été décrit par aucun témoin avec une telle chemise sous son blouson – Callaway concédant, tout au plus, devant la commission Warren, que cette chemise pourrait avoir été ouverte sous le blouson, lui-même ouvert, pour ne laisser paraître que le tee-shirt, seul Whaley, présent en amont de la scène et au témoignage assez incertain, pouvant être, à la rigueur, tenu pour l’avoir décrit avec une telle chemise, d’abord, devant le bureau du shérif, le 23 novembre, lorsque, sans évoquer de blouson, il parle d’ « une chemise sombre avec des taches blanches de quelque chose dessus » – « a dark shirt with white spots of something on it » – qui pourrait avoir été une façon de parler d’une chemise sombre à mouchetures plus claires, comme l’était celle d’Oswald, puis devant la commission Warren, d’ « une chemise brune avec une petite raie argentée dessus » – « a brown shirt with a little silverlike stripe on it » – qui, là encore, pourrait avoir été une façon de décrire la chemise brune à nervures plus claires, qu’était celle d’Oswald, la mention d’une seule raie ayant pu tenir au fait que n’apparaissait qu’une partie de la chemise… dans l’ouverture de deux blousons… et, du reste, par-dessus un tee-shirt blanc… procès-verbal de son audition par la commission que, dans une interview radiophonique, en 1968, Craig dénoncera comme ayant été intégralement rédigé par la police). Trois remarques s’imposent : premièrement, il est peu probable que l’inconnu du balcon, qui pourrait n’avoir fait l’objet que d’un vague contrôle, ait ensuite pris la place d’Oswald, par étourderie ou par présomption, dans l’esprit de certains policiers, tels Stringfellow, qui plus est au moment de rédiger un rapport ; deuxièmement, l’endroit où Cunningham et Toney situent un inconnu et la position assise qu’ils lui attribuent pourraient faire penser que ce dernier s’était mis en situation de patienter et de pouvoir gérer sa position dans le bâtiment et dans ses environs, en fonction de la tournure des événements, comme l’aurait fait un double d’Oswald, si ce n’était pas que, en 1987, Cunningham dira à Larry Sneed – auquel, la même année, Toney confirme avoir gravi les escaliers avec lui – qu’il s’agissait d’ « un enfant » qui était assis sur la dernière marche du haut pour fumer une cigarette et qui ignorait manifestement tout de l’objet de la recherche des deux policiers ; troisièmement, que l’on tienne ou non compte de cette précision ultérieure de Cunningham, l’individu descendant les escaliers rencontré par Courson, et celui rencontré, assis en haut de ces mêmes escaliers, quelques secondes ou minutes plus tard, par Cunningham et Toney, sont vraisemblablement deux individus distincts, le premier, s’il s’agit bien d’Oswald, ayant ensuite eu le temps de retourner dans la salle, avant que les policiers ne la cernent et n’y pénètrent : il aurait donc fait une troisième entrée dans cette salle, que, cette fois, Burroughs et Davis n’auraient pas remarquée (Courson dit s’être mis en route depuis 10th Street pour le Texas Theatre, après avoir entendu, à la radio du véhicule de Tippit, un message indiquant que « le suspect, habillé d’un blouson blanc ou de couleur claire, a été vu courir au balcon du Texas Theatre » – message qu’il semble citer de mémoire, puisque les transcriptions officielles des transmissions radio – néanmoins lacunaires et ne s’accordant pas entre elles – n’en contiennent aucun identique et n’en situent d’équivalents qu’à partir de 13 h. 44, à moins donc que ce message n’ait été diffusé bien avant cette heure, la transcription établie par le FBI situant, d’ailleurs, avant 13 h. 33 un message donnant le signalement vestimentaire du suspect et sa fuite, vers l’ouest, sur Jefferson Boulevard. Quoi qu’il en soit de ces incertitudes textuelles et horaires, il est certain que Courson – même s’il dit avoir fait « une course » avec un véhicule de police pour se rendre à destination – ne pouvait pas être arrivé pour assister à la sorte d’entracte qu’est censé s’être accordé Oswald, au moment du générique… lors duquel, pourquoi pas, tout en grignotant, l’air de rien, les popcorns qu’il venait d’acheter, celui-ci pourrait avoir poussé jusque dans les escaliers et même atteint la mezzanine dominant le hall – entresol où se trouvaient les toilettes et le local du projectionniste – à la recherche d’une meilleure façon de se dérober à ses poursuivants pressentis ; quoique, à vrai dire, peut-on être certain des heures et des durées estimées par le seul Davis ? K. Myers note qu’il commet l’erreur de faire débuter le générique peu après 13 h., alors que toutes les autres sources indiquent approximativement 13 h. 20 ; il n’est donc pas du tout impossible qu’il ait aussi mal estimé la durée écoulée entre le retour d’Oswald dans la salle – dont il avoue d’ailleurs n’avoir gardé qu’un vague souvenir – et l’irruption de la police, durée qui pourrait avoir été plus courte que les « vingt minutes environ » – « twenty minutes or so » – dont il parle. Sorti peu après le début du générique, soit à environ 13 h. 25, Oswald pourrait n’être revenu que vers 13 h. 40, à l’instant même où Courson aurait fait son entrée. Pour autant, on ne négligera pas aussi le fait que Burroughs le fait sortir de l’enceinte de spectacle depuis le balcon – quoique sans pouvoir en être sûr – quand Davis le fait sortir depuis la salle, comme s’il s’était agi de deux sorties distinctes, préalables à deux entrées distinctes). Pour ce qui est de la seconde hypothèse (Burroughs parlant, par erreur, d’une heure d’arrivée d’Oswald trop proche de celle de son départ de son domicile), on remarquera qu’elle est gênée par le fait que, déposé en voiture près d’East 10th Street, vers 13 h. 05, Oswald pourrait avoir eu, à la rigueur, le temps de gagner, à pied, sur une distance d’environ 600 mètres, le Texas Theatre, d’y faire son entrée dans la salle, sans être aperçu par Burroughs, puis d'y effectuer quelques changements de place, comme le rapporte Davis, avant d’en ressortir, le tout en dix à quinze minutes – Burroughs dont, du reste, on connaît mal la raison du créneau horaire pendant lequel l’entrée d’un client n’aurait pas pu lui échapper, même si l’on suppose que c’était parce qu’il assurait son rôle de portier, dans le hall d’entrée, ni surtout comment il est parvenu à le délimiter de façon aussi précise. Si la vente de popcorns a bien été faite au vrai Oswald, vers 13 h. 15 ou 13 h. 20, et s’il n’y a jamais eu, en définitive, qu’un seul sosie présent dans la salle, celui-ci pourrait être entré, vers 13 h. 35, moment où, depuis son stand, Burroughs a entendu quelqu’un franchir précipitamment la porte d’entrée du bâtiment, pour probablement disparaître, en direction du balcon (cf. Marrs, ibid., p. 340 et 342) ; ce que vient corroborer Julia Postal, lorsqu’elle affirme que Brewer, lancé à la poursuite du suspect parti de son magasin, est entré, à son tour, dans le bâtiment, juste après un flash d’info radiophonique annonçant la mort du Président, diffusé à 13 h. 33 (cf. John Armstrong, « November 22, 1963 ») (devant la commission Warren, Burroughs et Brewer prétendent être ensuite montés inspecter le balcon et ne l’y avoir pas trouvé – balcon où, selon Bill Courson, se trouvaient « cinq à sept personnes », en plus du suspect qu’il venait de croiser dans les escaliers – « No more silence », p. 485 – et, selon le reporter James Ewell, dans une déclaration faite à Myers en 1986, « une demi-douzaine ou plus d’écoliers » qui avaient sauté l’école, qui deviennent, dans une autre déclaration du même à Sneed, l’année suivante, « quinze ou vingt lycéens » ; la raison de cet échec de Burroughs et Brewer pourrait être que, ayant prévu qu'il allait être suivi au balcon, l'intrus était descendu, par l’escalier nord, puis était entré, par une porte nord, dans la salle – ce qui le dispensait d’avoir à passer devant le stand de Burroughs – et avait patienté discrètement dans cette dernière, quelques instants, avant de remonter, en ne laissant que le seul vrai Oswald dans la salle). Si le meurtrier de Tippit fut un sosie présent dans le Theatre et le seul sosie à s’y être jamais trouvé – ce qui, sur la base des heures indiquées par Burroughs et de l’heure du meurtre du policier, rendrait impossible que Burroughs l’ait confondu avec Oswald – il aurait vu, ou été renseigné, qu’Oswald s’y était réfugié, en un lieu où il lui fallait désormais attirer les policiers, pour permettre l’arrestation de ce dernier, raison pour laquelle il aurait fait une halte suspecte dans l’entrée du magasin de Brewer, afin d’hameçonner celui-ci, l’amener au Theatre et lui faire donner l’alerte, et raison pour laquelle il aurait ensuite pris la précaution de s’installer, d’emblée, au balcon, endroit où Oswald avait a priori moins de chance de se trouver ; son arrestation ayant, malgré tout, finalement eu lieu, probablement effectuée par des policiers étrangers au complot ou rendus dubitatifs ou encore soucieux de supprimer tout indice propice à une suspicion ultérieure. À noter le témoignage étonnant de Bernard J. Haire, un commerçant dont le magasin était situé près du Theatre et dont la photo n° 2 de Stuart Reed montre la présence, accoudé à un parcmètre, en bordure de la foule entourant la sortie d'Oswald du Theatre, au moment de son arrestation, foule qui lui aurait caché la scène (alors que la photo le montre comme étant plutôt de grande taille) et l'aurait obligé à revenir dans son magasin, pour en sortir par l'arrière, jusqu'à se retrouver face à une autre scène, dont il n’aurait pris toute la mesure qu'en 1987, année où il se confie à Jim Marrs, après avoir appris que le vrai Oswald était sorti par le devant du bâtiment (cf. ibid., p. 344, et Douglass, ibid., p. 391-392). Selon lui, un sosie d'Oswald sort par l’arrière du bâtiment du Theatre, escorté par des policiers ; il ne porte pas de blouson, mais un pull-over (« pull over shirt »), et a le visage rougi, comme s’il s’était battu ou débattu. Scène qu'il aurait tenue pour la véritable arrestation du véritable Oswald, pendant vingt-quatre ans ! Que l'on accorde ou non du crédit à son témoignage, il reste qu’on pourra le rapprocher de celui du sergent H. H. Stringer, formulé dans son rapport à Jesse Curry du 3 décembre : « Je roulais en voiture de patrouille avec l’officier [embarqué au sud de Patton Avenue] vers l’arrière du Texas Theatre, où il y avait déjà plusieurs officiers présents. Le capitaine Talbert et d’autres officiers questionnaient un garçon (a boy) dans l’allée [résumé des lignes suivantes : après avoir arrêté son véhicule et en être descendu, puis s’être procuré une arme dans un autre véhicule de police, stationné au nord de l’allée, Stringer revient sur ses pas] J’entendis une voix, qui semblait venir de l’intérieur de la partie avant du théâtre et qui disait : ″Nous l’avons eu !″. Dans l’instant suivant, le sergent Gerry [Gerald] Hill ouvrit, depuis l’intérieur, la porte de la partie arrière du 1er étage du bâtiment du théâtre [l’étage du balcon], et s’avança sur l’escalier d’incendie. Je lui demandai s’ils avaient arrêté le suspect, en lui disant que nous avions entendu quelqu’un crier ″Nous l’avons eu !″. Il regarda, en arrière, à l’intérieur du bâtiment, et dit : ″Non, nous ne l’avons pas eu″. Puis, alors que le sergent Hill refranchissait la porte donnant sur l’escalier d’incendie, nous entendîmes, de nouveau, la voix qui criait ″Nous l’avons eu !″. La voix était suffisamment convaincante pour donner le sentiment à tous les officiers présents à l’arrière du bâtiment que l’arrestation était sure » (WCHE XXIV, p. 242). Ce témoignage est un nouvel indice qu’il pourrait y avoir eu confusion, à l’intérieur du bâtiment, sur la personne à considérer comme devant être arrêtée, et sur le fait que l’une des personnes prêtant à confusion se trouvait au balcon. En poussant plus loin, Hill – dont plus d’un chercheur a relevé l’omniprésence, sur les lieux décisifs de l’assassinat de Kennedy et de celui de Tippit, en cet après-midi du 22 – pourrait même être soupçonné d’avoir pointé son nez, par la porte arrière de l’étage, pour vérifier si la voie était libre en vue d’une sortie et d’un embarquement discrets d’un individu. Sachant, à l’avance, ou ayant compris, sur le vif, que l’individu arrêté, à l’occasion du premier « Nous l’avons eu » entendu par Stringer, était un individu devant subir un traitement spécial, dans le cadre de l’arrestation officielle du suspect du meurtre de Tippit, mais sachant aussi que d’autres policiers dans le bâtiment étaient totalement ignorants de cela, il aurait feint de procéder à la vérification devant lui permettre de répondre à Stringer, en gagnant ainsi du temps pour se rapprocher du moment où les policiers ignorants commenceront, d’eux-mêmes, à se douter de leur erreur, et du moment de l’arrestation du vrai suspect, qu’il sait imminente, intervalle de temps lui permettant peut-être aussi de pouvoir juger quelle meilleure réponse faire, sans trop tarder, à Stringer ; puis, ayant répondu et étant retourné dans le bâtiment, il aurait enfin pu assister à l’arrestation du suspect officiel, au moment où Stringer entendit le second et dernier « Nous l’avons eu ». En outre, la scène du garçon (dont l’identité n’a jamais été révélée) interrogé par des policiers, derrière le bâtiment, pourrait avoir été inventée ou amplifiée, afin de maquiller, au sein de l’enquête, la sortie, sous escorte policière, d’un suspect, par l’arrière du bâtiment. Aussi peut-on se demander si Haire n’avait pas compris, bien avant 1987, sans doute dès le premier jour, que l’individu qu’il avait vu sortir à l’arrière n’était pas Lee Harvey Oswald, et s’il n’a pas simplement attendu 1987 pour rendre public ce dont il avait été témoin, en profitant, au passage, de l’effet décrédibilisant du long délai, qui lui permettait de se protéger, sans se déjuger (le devoir de dire publiquement ce qu’il savait, avant de mourir, l’ayant finalement emporté sur le risque de paraître ridicule). Du reste, que l’on accorde ou non du crédit à son témoignage, on pourra toujours admettre que, étant donné que, après être entré dans le Texas Theatre, la mission du sosie était terminée, celui-ci n’avait plus aucun intérêt à garder sur lui le blouson pouvant l’incriminer et pouvant, du même coup, enrayer la mécanique du complot (la remarque valant aussi pour les témoignages de Cunningham et Toney, cités plus haut). Il est donc très probable qu’il s’en soit débarrassé dans le Texas Theatre (Notons que ni la femme enceinte assise dans la salle, ni le directeur Callahan, qui tous deux quittent les lieux, après l’intrusion du suspect et avant l’entrée de la police, ne peuvent l’avoir fait disparaître, en l’ayant emporté, sauf à remettre en cause notre hypothèse de l’arrivée imprévue d’Oswald au Theatre ayant entraînée celle, tout aussi imprévue, de son sosie, hypothèse qui implique qu’aucun comploteur ou complice ne se trouvait, par avance, dans le bâtiment… Pour une justification de cette hypothèse, voir p. VIII). Quant à la preuve que l’homme ressemblant à Oswald, réfugié, pendant quelques secondes, dans l’entrée du magasin de Brewer, était bien le vrai Oswald, elle tiendrait dans le fait que, devant le commission Warren, Brewer a affirmé que cet homme ne portait pas de blouson (jacket), mais une chemise brune, si ce n’était pas qu’il affirme aussi l’avoir aperçu, depuis l’extérieur, ne pas acheter de ticket au guichet d’entrée ; dernier point qui, rapporté, d’une part, au témoignage évolutif de Postal sur la question, à celui de Burroughs parlant d’une entrée précipitée d’un inconnu, vers 13 h. 35, et à cet autre de Postal parlant d’une entrée de Brewer sur les traces de ce dernier, juste après, et, d’autre part, à celui de Burroughs parlant du vrai Oswald présent à partir d’au moins 13 h. 15, à celui de Haire parlant d’un sosie en pull-over (vêtement sur lequel on peut avoir des doutes, dans la mesure où aucun témoin ne le mentionne comme porté par le tueur de Tippit, mais qui, néanmoins, pourrait lui avoir été fourni par la police, dans le Theatre, pour atténuer sa ressemblance avec Oswald) et aux preuves de l’arrestation d’Oswald habillé d’une chemise brune, permet de conclure qu’une caractéristique essentielle de l’inconnu – qu’il convenait, du même coup, de dire avoir porté, antérieurement, un blouson, comme Oswald – a été indûment attribuée à Oswald : une même attitude fuyante s’exprimant depuis le magasin de chaussures jusqu’au balcon du Theatre. Ce qui, pour autant, n’interdit pas de penser que, de son côté, Oswald fuyait, lui aussi, et, du reste, pourrait-on dire, quant à lui, fuyait réellement.
Quelques minutes après les tirs contre le Président – vers 12 h. 40, selon le chauffeur de bus, Cecil McWatters – le faux Oswald (qui n’était probablement pas présent au TSBD) a pris le bus, après l’avoir fait arrêter, un peu avant l’intersection d’Elm Street et Griffin Street ; mais il s’est trompé, en prenant un bus se rendant à une mauvaise destination dans Oak Cliff (Marsalis Avenue au lieu de Beckley Avenue). À 12 h. 44, alors qu’il fait arrêter le bus, cette fois, pour en descendre (par ces arrêts intempestifs, il pourrait, néanmoins, avoir cherché à se faire remarquer), le chauffeur lui donne un ticket de correspondance (qui porte comme seule mention de l’heure de poinçonnage : « P.M. », soit : après-midi – 12 h. 44 étant l’heure estimée par le chauffeur, devant la commission Warren). Plus tard, il ne pourra pas l’identifier comme étant Oswald, ni faire une description précise de son habillement, mais tout en évaluant ses mensurations et son âge et en l’affirmant brun, d’une façon compatible avec ce dernier. Etant donné, d’une part, son erreur (qu’il lui était, à la rigueur, possible de surmonter, par la suite, d’autant plus que sa mission pouvait consister à arriver sur 10th Street, via Marsalis Avenue, après être passé par 8th Street, mais sans échapper au contrôle de son trajet par des policiers qui devaient ensuite klaxonner devant chez Oswald), et étant donné, d’autre part, la circulation encombrée sur Dealey Plaza et ses abords, le faux Oswald a quitté le bus et est allé prendre le taxi de Whaley, à la station de bus située à l’angle de Lamar Street et Jackson Street, et s’est fait déposer, à 12 h. 56, très au-delà du domicile d’Oswald, entre autres pour pouvoir être arrivé à l’heure au rendez-vous avec Tippit. Son ticket de correspondance sera « offert » au vrai Oswald, dans le commissariat de police, par quelqu’un faisant comprendre à celui-ci qu’il est dans l’intérêt de tout le monde qu’il ne dise pas avoir pris le Rambler. C’était, d’ailleurs, sans doute une consigne qui avait été préalablement donnée à tous les membres du complot de n’impliquer aucun des autres membres, en cas d’arrestation. En outre, si, devant la commission Warren, Mrs Paine a affirmé ne posséder qu’un seul véhicule – un break Chevrolet de couleur verte équipé d’un porte-bagage sur le toit – il n’est pas exclu qu’elle ou son mari ait aussi possédé un véhicule identique à celui vu par Craig, outre jusqu’au porte-bagage (qui est un détail commun aux témoignages des deux parties), jusqu’à la couleur vert pâle de la carrosserie et jusqu’à la couleur des plaques d’immatriculation autre que celles du Texas, comme il le précisera, dans une interview parue le 25 octobre 1967 : « le véhicule portait des plaques étrangères à l’Etat [du Texas], probablement vertes ou bleues » ; dernier détail que le procès-verbal de la commission Warren pourrait avoir falsifié, en mentionnant, au contraire, des plaques texanes – plaques dont, gêné par la circulation, Craig n’avait pu relever les numéros (cf. Barry Ernest, « The girl on the stairs », p. 149-150). Dans un procès-verbal du 23 novembre 1963, dressé par le bureau du shérif – qui, rappelons-le, était son employeur – et, plus tard, dans l’interview de 1967, Craig parle d’un « break Rambler de couleur claire » (« light colored Rambler station wagon »), formule qu’utilisent aussi Roy Cooper et Marvin Robinson, dans leurs témoignages recueillis par le FBI, le même jour (cf. Archives II, College Park, Maryland, et HSCA, Appendix, vol. XII, p. 18), et que reprendra le procès-verbal de Craig de la commission Warren, mais à laquelle, le rapport de la même commission (p. 161) et deux documents du FBI concernant le shérif-adjoint : un procès-verbal du 23 novembre et un rapport du 25 novembre, de même qu’un article de presse paru le 23 novembre, semblent s’être ingéniés à substituer la formule « break Rambler blanc » (« white Rambler station wagon ») – le rapport du FBI offrant, du reste, une nuance importante : « un véhicule (…) dont il eut l’impression qu’il était un break Nash Rambler blanc » (« a vehicle (…) which he feels a white Nash Rambler station wagon ») – substitution qui pourrait avoir eu lieu, à la faveur du fait qu’un break blanc, de marque indéterminée, ayant deux hommes à bord et un fusil posé à l’arrière, avait été vu par le policier Ronald C. Nelson, vers 13 h 20, dans Oak Cliff, arrêté dans une station-service de Davis Street. Il n’y a donc pas d’élément décisif infirmant que le véhicule vu par Craig était « un break Rambler vert clair » (« a light green Rambler station wagon »), comme il le précisera dans son ouvrage « When they kill a president » (ch. I). L’identité du véhicule avec celui de Mrs Paine pourrait n’avoir pas été un hasard, mais un moyen de chantage, comme tendrait à le prouver la réaction peinée et peut-être même suppliciée d’Oswald, lorsque, en fin d’après-midi du 22 – soit la veille de la mention officielle de la découverte du ticket de bus dans l’une de ses poches – Fritz lui annonça, en présence de Craig, que ce dernier l’avait vu quitter Dealey Plaza, juste après l’attentat, tout en ne lui précisant pas comment il l’avait vu faire, si ce n’est finalement par une simple allusion, au moment de lui demander : « Qu’en est-il de la voiture ? » (« What about the car ? »), à quoi Oswald répondit : « Le break appartient à Mrs Paine – N’essayez pas de l’embringuer dans ça ! » (« That station wagon belongs to Mrs Paine – Don’t trie to drag her into this. ») (ibid., ch. II) (A noter que le procès-verbal de l’audition de Craig par la commission Warren offre la variante suivante : « Qu’en est-il de ce break ? » « Ce break appartient à Mrs Paine – N’essayez pas de la lier à ça. Elle n’a rien à faire avec ça. » – « What about this station wagon ? » « That station wagon belongs to Mrs Paine – Don’t trie to tie her into this. She had nothing to do with it. »). La déclaration d’Oswald n’affirme pas nécessairement que le véhicule appartenait à Mrs Paine – quoiqu’il aurait pu être utilisé à son insu – ni, d’ailleurs, qu’il s’agissait d’un Rambler, d’autant plus que, à la lecture du texte de Craig, on peut, à la rigueur, s’étonner qu’Oswald se mette à parler spontanément, pour ne pas dire abruptement, d’un break, comme si l’existence de ce dernier allait de soi pour les trois interlocuteurs, sa réplique pouvant laisser supposer que l’existence d’un tel véhicule venait d’être évoqué par quelqu’un d’autre que lui (comme le mentionne le procès-verbal de la commission), sans qu’eût été précisé de quelle marque de voiture il s’agissait, ce sur quoi Oswald aurait cru pouvoir faire diversion, en sachant que Mrs Paine en possédait un ; ce qui expliquerait sa vivacité à la disculper… après avoir paru l’inculper. Au demeurant, à notre connaissance, aucune recherche effectuée, depuis, n’est parvenu à déterminer où se trouvaient le ou les véhicules de Mrs et/ou Mr Paine – Chevrolet et/ou Rambler – au moment de l’attentat, malgré que des policiers, parmi lesquels Eddy Raymond Walthers, envoyés au domicile d’Irving, dans l’après-midi du 22, virent un véhicule garé dans la cour : un break Rambler vert clair, équipé d’un porte-bagage sur le toit, et aux plaques d’immatriculation d’une couleur autre que celle utilisée au Texas, tout comme celui vu sur Dealey Plaza (cf. Ernest, ibid.). Le rapport d’enquête du bureau texan du FBI du 7 février 1964 établissant que Mrs Paine possédait « un break Chevrolet vert deux tons (two tone green) (…) enregistré sous licence du Texas » (WCHE XXIV, p. 696-697), et ne faisant état d’aucun autre véhicule, pourrait, selon James W. Douglass, avoir reposé sur une destruction préalable de pièces à conviction, pratique à laquelle l’un des agents du bureau ayant mené l’enquête, James P. Hosty, avouera, en 1975, avoir eu recours, le surlendemain de l’assassinat du Président, sur ordre du directeur du bureau, à propos d’un autre élément de l’enquête concernant Oswald (une lettre de ce dernier, écrite bien avant l’attentat, enjoignant Hosty de ne plus importuner sa femme, par des visites d’enquête) ; par ailleurs, 1964 étant l’année où J. Edgar Hoover, le directeur général du FBI, recommandait instamment à la commission Warren que ne soient pas divulguées certaines informations concernant Mrs et Mr Paine (cf. ibid., p. 376, note 338, p. 613, et p. 439-441). Du reste, l’hypothèse que la déclaration d’Oswald pût sous-entendre que les chefs du complot souhaitaient qu’il fût officiellement admis que le véhicule appartenait à Mrs Paine – que cela eût été vrai ou non – au cas où l’utilisation d’un véhicule identique au sien aurait été parfaitement établie par les enquêteurs, et que, donc, lui, Oswald, ne pouvait qu’aller dans leur sens, s’il souhaitait avoir une chance qu’ils le tirent d’affaire, peut-être même selon une promesse qu’ils lui auraient eu faite, est plus que gênée par le fait que, deux heures avant de parler du break, il avait dit, lors de son premier interrogatoire par Fritz et d’autres enquêteurs, être rentré chez lui en bus.
Avant son quatrième interrogatoire, dans la matinée du 23, il n’a jamais dit avoir pris un taxi, ni être descendu du bus, sur Elm Street, après avoir reçu un ticket de transfert. Quant au carnet de bord de ce taxi, conduit par Whaley, il indique la montée du client à 12 h. 30 (ce que peut sembler confirmer le procès-verbal de sa déposition au bureau du shérif du 23 novembre, où il précisait qu’il s’était mis à attendre des clients, à la station, à 12 h. 30), heure de montée à propos de laquelle on peut avancer deux hypothèses. L’une psychologique : au moment d’inscrire l’heure, le chauffeur pourrait avoir été déjà informé des tirs contre le Président et qu’ils avaient eu lieu à 12 h. 30 (dans sa déposition à la commission Warren, il ne précise ni comment ni quand il a appris la nouvelle de l’attentat, mais affirme que, lorsque l’homme ressemblant à Oswald s’est approché de son véhicule, il venait juste de déposer un autre client et s’apprêtait à quitter son siège pour aller acheter des cigarettes, ce qui laisse penser qu’il n’avait pas encore eu l’occasion d’être informé, le précédent client n’ayant sans doute pu lui-même l’avoir été, comme le corrobore, d’ailleurs, sa déposition antérieure du 23 novembre, dans laquelle il déclarait avoir interrogé son nouveau client sur la raison des sirènes qui s’étaient mises à retentir dans la ville, sans obtenir de réponse, ce sur quoi les deux hommes ne s’étaient plus jamais adressé la parole, hormis quelques mots lâchés par le client, au moment d’indiquer l’endroit où le déposer ; de son côté, le vrai Oswald n’ayant sans doute pas pu être en peine d’inventer que le chauffeur lui avait annoncé qu’on venait de tirer sur le Président, comme il est censé l’avoir affirmé au capitaine Fritz et à l’inspecteur du Secret Service Thomas J. Kelley, lors d’un interrogatoire, le matin du 23). Marqué par la nouvelle de cet événement exceptionnel, Whaley pourrait avoir eu le mauvais réflexe de noter 12 h. 30 au lieu de 12 h. 45 (comme il aurait dû le faire, selon sa méthode d’arrondissement aux dizaines ou quinzaines de minutes). L’autre pratique : devant la commission Warren, il a précisé que, pour ne pas perdre de temps, il avait l’habitude de ne noter les références de ses transports de passagers, qu’après les avoir effectués, parfois jusqu’après en avoir effectué quatre, lorsque les clients s’accumulaient dans son véhicule ; il devait donc faire l’effort de se ressouvenir et de l’heure et de l’endroit où le client était monté et descendu ; ce qui explique sans doute son habitude de compter par dizaines de minutes ou par quarts d’heure. Il pourrait donc s’être trompé d’une dizaine ou d’une quinzaine de minutes... d’autant plus que le facteur psychologique évoqué précédemment pourrait avoir eu le temps d’être effectif, Whaley ayant eu plus de chance d’avoir entendu parler des « tirs effectués contre le Président à 12 h. 30 », vers 13 heures, qui plus est, lors de ce que son carnet indique comme ayant été une période de pause. Il a affirmé qu’il avait noté, en même temps, les deux transports effectués entre 12 h. 15 et 12 h. 45, soit sans doute au plus tôt à 12 h. 56, heure censée finalement avoir été celle où il dépose le client du deuxième (heure néanmoins peu propice à remplir un carnet de bord, s’il est vrai qu’il devait repartir, sans tarder, pour éviter de gêner la circulation), et, au plus tard, juste avant 13 h. 15, heure où il est censé commencer le transport suivant, après un blanc dans son emploi du temps.
Bien sûr, si le vrai Oswald a pris un Rambler, une question ne manque pas de se poser : pourquoi n’a-t-il pas pris les transports en commun, s’il devait être vu les prendre, afin que soit accréditée la thèse du tireur solitaire agissant par ses propres moyens, d’autant plus que, si, de son côté, le faux Oswald avait utilisé un véhicule du complot, il aurait sans doute été encore plus à même d’être arrivé sur 10th Street avant Oswald ? La réponse est double : d’une part, il ne fallait pas risquer d’éveiller les soupçons d’Oswald, en lui demandant d’être le seul à utiliser ce type de transport, alors que les autres membres du complot auraient, quant à eux, bénéficié de véhicules plus adaptés à une évacuation d’urgence ; d’autre part, il fallait être sûr qu’Oswald soit présent à son domicile dès entre 12 h. 50 et 12 h. 55, pour pouvoir recevoir le signal (et, par conséquent, pour pouvoir ne pas arriver trop tard sur le lieu de l’assassinat de Tippit), ce que l’utilisation de transports en commun aurait rendu aléatoire (cette utilisation ayant ultérieurement sans doute beaucoup moins risqué d’être dommageable, dans le cas du trajet court et direct de la ligne de bus reliant son domicile à l’arrêt le plus proche du lieu du rendez-vous... comme pourrait, d’ailleurs, l’attester le fait que Mrs Roberts l’a vu se poster, une fois sorti de son domicile, à l’arrêt de bus situé à droite de la sortie du domicile, avant de le quitter des yeux – selon sa déclaration au FBI du 5 décembre 1963 – cet arrêt étant néanmoins situé dans le sens sud-nord de la ligne, il pourrait n’avoir été qu’un point de passage vers l’arrêt situé, un peu plus loin, de l’autre côté de la rue, dans le sens inverse, et Oswald pourrait s’y être arrêté, le temps d’inspecter discrètement les alentours, en laissant croire à un éventuel filateur qu’il comptait se rendre au nord ; pour autant, puisqu’il n’a été vu dans aucun bus circulant dans Oak Cliff, cet après-midi du 22, cette inspection pourrait n’avoir visé qu’à lui ouvrir le trajet à pied, à moins qu’il ne se fût pas agi, en tout cas pas seulement agi, d’inspecter les lieux mais d’attendre un véhicule autre qu’un bus). Par contre, le faux Oswald pouvait se permettre de mettre plus de temps pour parvenir sur les lieux du rendez-vous, celui de 13 h. 05... jusqu’à même proposer de céder sa place de taxi, au moment du départ, à une femme âgée désireuse de l’obtenir, comme Whaley rapporte qu’il le fit (du reste, notons que cette offre ne pouvait quasiment pas le retarder, puisque les taxis disponibles ne manquaient pas dans la station, raison pour laquelle, d’ailleurs, le chauffeur dissuada la femme d’accepter la proposition)... preuve aussi qu’il n’était pas homme s’estimant traqué ou risquant de l’être... comme le prouve encore le fait que, alors que le chauffeur venait de lui proposer de s’asseoir à l’arrière, il ait préféré s’asseoir à côté de lui, soit sur la place passager la plus exposée aux regards extérieurs (...et intérieurs, pour ce qui est des gourmettes qu’il portait au poignet, comme Oswald, détail que n’a pas manqué de rapporter Whaley !)... sans compter que, pour être à l’heure, il aurait même sans doute pu faire arrêter le bus ou le taxi encore plus près du lieu de rendez-vous que ne l’était le 500 Beckley Avenue.