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Réinvestigation

Sur la base de sources publiques, retour sur des affaires restées énigmatiques.


L'ASSASSINAT DE JOHN FITZGERALD KENNEDY (I)

Publié par Riparius sur 6 Avril 2022, 13:26pm

 

 

Sommaire :

 

1  Présentation chronologique et critique de l'action au Texas School Book Depository et à Oak Cliff (pages I-III) 

 

– Emploi du temps d’Oswald (et accessoirement d'autres employés du TSBD, de Tippit, du faux Oswald et de Ruby) (p. IV-V)  

 

Précisions concernant l’emploi du temps d’Oswald (p. VI)  

 

 L’entourage d’Oswald et sa participation directe ou indirecte à l’événement du 22 novembre (p. VII)  

 

 Questions/réponses (p. VIII) 

 

Une histoire de blouson et de portefeuille (p. IX)  

 

 Combien de tirs et de tireurs, et où ces derniers étaient-ils situés, sur Dealey Plaza ? (p. X-XI)  

 

Examen de l'hypothèse de John Armstrong concernant le déroulement de l'action à l’intérieur du TSBD (p. XII)  

 

9   D'un vestibule l'autre (p. XIII)

 

Sources (p. XIV)

 

 

Avertissement :

1) Nous adoptons la désignation française (et européenne) des niveaux d’un bâtiment : rez-de-chaussée pour « first floor » (ou « ground floor »), 1er étage pour « 2nd floor », etc. Et pour désigner les blocks – un block étant un ensemble de bâtiments situé entre quatre rues et souvent traversé par des ruelles (« alleys, allees ») – nous le faisons, au moyen de leurs seuls numéros (n° 100, n° 200, etc.).

2) [Cette note qui pourra paraître fastidieuse, notamment en introduction, est capitale pour la compréhension de la suite] Le bâtiment du Texas School Book Depository (TSBD) est équipé, à l’époque, de trois ascenseurs : A) Un petit, situé au sud-est du bâtiment, près de l’entrée principale, au milieu des bureaux ; destiné principalement à l’administration et à la clientèle et ne partant que du rez-de-chaussée pour n’atteindre que le troisième étage (dernier étage administratif), il est, en partie, doublé d’un petit escalier, situé près de lui et ne reliant, quant à lui, que le rez-de-chaussée au premier étage (escalier et ascenseur souvent nommés « avant » – « front »). B) Deux grands – l’un « ouest », l’autre « est » – situés dos à dos, dans une seule et même cage (« two elevators in the same well » pour reprendre les mots du directeur de l’établissement), le long de la moitié ouest du mur nord du bâtiment ; destinés à tout le personnel, quoique principalement aux manutentionnaires, ils relient le sous-sol (« basement ») au dernier étage (6ème étage – « 7th floor » ou « top floor »). L’ouest, muni de deux portes (l’une interne, partie intégrante de la cabine, l’autre externe, fermant la cage), peut être appelé et obtenu, par simple pression d’un bouton, à partir de n’importe quel niveau du bâtiment, à condition que sa porte interne ait été préalablement refermée manuellement (sa fermeture et son ouverture étant manuelles, alors que celles de la porte externe sont enclenchées automatiquement, au départ et à l’arrivée de la cabine). L’est, muni d’une seule porte externe (à ouverture et fermeture manuelles, la fermeture conditionnant le départ de la cabine) n’est utilisable que depuis le niveau où il est arrêté ; il n’est actionnable qu’au moyen d’une manette située à l’intérieur. Ces deux derniers ascenseurs sont situés près des escaliers principaux, en bois, qui, comme eux, relient le sous-sol au dernier étage (escaliers et ascenseurs souvent nommés « arrière » – « rear », « back »). Leurs portes ajourées sont constituées de lattes espacées. Ne dépassant pas la taille humaine, elles ne ferment pas entièrement les ouvertures des cages, et celle interne de l’ascenseur ouest ne ferme pas entièrement la cabine.

  

1) Présentation chronologique et critique de l’action au Texas School Book Depository et à Oak Cliff :

Le 22 novembre 1963, vers 12 h. 30, au 5ème étage du Texas School Book Depository, il y avait au moins deux personnes, comme le prouvent ou tendent à le prouver, d’une part, les films de Charles Bronson et Robert Hughes, tournés depuis l’angle sud-ouest de Main Street et Houston Street, respectivement environ six minutes et environ dix minutes avant les tirs, et l’une des deux photos du bâtiment prises, environ quinze secondes après les tirs, par le reporter Tom Dillard, depuis l’angle sud-ouest d’Elm Street et Houston Street – notamment après que leurs images eurent été agrandies et repiquées (la photo l’ayant été par Robert Groden, en 1993, dans son ouvrage « The killing of a president », p. 208-209) – et, d’autre part, et surtout, les témoignages d’Arnold Rowland, John Powell et L. R. Terry, dont nous reparlerons (étayés par et étayant les vues prises par Bronson, Hughes et Dillard) ; autant de pièces auxquelles il convient probablement d’ajouter la photo polaroïd n° 4 prise par Mary Moorman (qui en prit cinq du cortège présidentiel, dont deux seulement nous sont parvenues, deux autres – les deux premières – ayant été ratées, croit se souvenir leur auteur) et le film tourné par la femme inconnue surnommée « babushka lady », tenant une caméra et visible sur les films de Zapruder, Mushmore, Nix et Bell (qu’elle ait été ou non Beverly Oliver – une employée d’un cabaret voisin de celui de Jack Ruby, dont elle était une visiteuse régulière – comme celle-ci l’a prétendu, en 1970) – photo et film pris depuis le terrain gazonné séparant Elm Street et Main Street. La photo de Moorman a été perdue ou confisquée : perdue, si l’on en croit Bill Lumpkin, le motard de police qui figurait dessus, en tête du cortège, et qui, étant l’ami de Moorman, l’aurait reçue d’elle en cadeau, en 1964, avant d’essayer de la retrouver, en vain, plus tard, dans ses affaires – très probablement s’agit-il de la photo qui, selon le shérif-adjoint Bill Wiseman, montrait toute la partie est du TSBD, et donc la fenêtre du « nid du tireur », environ deux minutes avant les tirs, photo que lui avait présentée Moorman, le jour-même, avant qu’il ne la remette à un agent du Secret Service… et qui serait donc ensuite revenue dans les mains de Moorman… (WCHE, vol. XIX, p. 533 et 536). Le film de la « babushka lady », de son côté, si l’on en croit Oliver, a été confisqué (trois jours après l’attentat, par un agent du FBI), à moins qu’il n’eût été destiné qu’aux seuls comploteurs, qui en auraient eu fait la commande, dans la mesure où il a pu être la seule prise de vue complète de la scène de l’attentat, incluant les tireurs (Notons que, en 1970, Ruby était décédé, depuis trois ans, et qu’il pouvait être tentant pour certains de le charger au maximum, bien que le témoignage d’Oliver demeure crédible, malgré sa difficulté à désigner précisément le modèle de caméra qu’elle aurait utilisé). Présence de plusieurs individus au 5ème étage que peuvent encore attester d’autres témoignages, comme ceux de Carolyn Walther ou de Ruby Henderson, moins précis que ceux de Rowland, Powell et Terry, notamment quant à la désignation de l’étage observé, et qui laissent supposer que leurs auteurs ont tenu le 5ème étage pour le 4ème, en omettant de compter le rez-de-chaussée dépourvu de fenêtre (comme semble l’illustrer parfaitement le témoignage de Robert Edwards, qui, au bureau du shérif, le jour-même, parle d’une fenêtre du quatrième étage – « 5th floor » – où était visible, en plus du tireur, « une pile de caisses », avant de déclarer, devant la commission Warren, qu’il s’agissait du cinquième étage – « 6th floor »). Il est fort probable que la fenêtre à l’angle sud-ouest ait servi à un tireur, comme n’est pas loin de le soutenir Rowland (voir infra), et comme le corroborent les blessures au thorax du gouverneur John Connally, infligées selon un angle de descente supérieur d’environ 9° à celui qui était possible depuis la fenêtre sud-est, le médecin personnel du gouverneur, Robert R. Shaw, évaluant, en effet, à « environ 27° (…) l’élévation de la blessure de l’arrière par rapport à la blessure de l’avant », tandis que, de leur côté, les experts de la commission établissent l’angle de descente depuis la fenêtre sud-est à 17°43’ (cf. WCHE, IV, p. 137-138 et WCR, p. 106) ; or, cette différence d’environ 9°5 correspond à l’écart entre les angles de descente des deux fenêtres.

Il est probable que les tireurs ont accédé à l’étage, dans la demi-heure précédant l’attentat, par l’un des ascenseurs, depuis le rez-de-chaussée ou depuis le sous-sol, après être entrés par l’arrière du bâtiment. Devant la commission Warren, Charles Givens parle d’une absence de l’ascenseur ouest, au 5ème étage, alors qu’il se trouvait, avec Oswald, à cet étage, vers 11 h. 55, et alors qu’il s’apprêtait à redescendre, au moyen de l’ascenseur est, tout en laissant Oswald derrière lui. Avant qu’il ne parte, Oswald lui demande de s’assurer, lorsqu’il sera descendu au rez-de-chaussée, que la porte de l’ascenseur ouest soit bien refermée, car il entend l’utiliser (Comme nous allons le voir, il y a tout lieu de s’interroger sur la crédibilité de la totalité de ce témoignage de Givens). Quelques minutes plus tôt, vers 11 h. 45, du quatrième ou cinquième étage (selon Givens, il s’agit du quatrième, alors que ses collègues ne sont pas parvenus à le déterminer), il avait crié à Billy Lovelady et son équipe (Bonnie Ray Williams, Danny Arce et Givens), qui s’apprêtaient à quitter le cinquième pour le rez-de-chaussée, par l’ascenseur ouest, de l’attendre, car il comptait descendre avec eux, ce à quoi ils lui avaient répondu qu’ils n’avaient pas le temps, mais qu’ils lui renverraient l’ascenseur (si l’on en croit ses déclarations tardives, d’avril et juin 1964, devant la commission Warren et le FBI, Givens remontra finalement au 5ème étage, quelques minutes plus tard, au moyen de l’ascenseur est, parce qu’il y avait oublié ses cigarettes, et y rencontrera Oswald en train de s’éloigner de l’angle sud-est, en longeant le mur est, angle où sera découvert le fameux « nid du tireur », pourtant situé à l’opposé de l’endroit où devaient se trouver ses cigarettes et dissimulé par des rayons de caisses de livres – cf. supra), ascenseur que finit sans doute par utiliser Oswald, après sa rencontre avec Givens – du moins, après celle avec l’équipe de Lovelady, la seule avérée – puisque Eddie Piper affirme avoir vu Oswald, à midi, au rez-de-chaussée (William Shelley et – uniquement dans sa déclaration au FBI du 22 novembre 1963 – Givens affirmant, quant à eux, l’y avoir vu, vers 11 h. 50). Au demeurant, Givens a déclaré que, une fois descendu au rez-de-chaussée, après être allé chercher ses cigarettes, il a constaté que l’ascenseur n’y était pas, ce qui indiquerait, si jamais l’ascenseur était bien bloqué (ce que la demande d’Oswald n’impliquait pas nécessairement), soit qu’il s’était débloqué, pendant que lui descendait, soit qu’il était toujours bloqué, mais à un étage autre que le cinquième ou le rez-de-chaussée.

À midi, la majeure partie des employés du TSBD (une bonne soixantaine présents au travail, ce jour-là, dont ceux du bâtiment annexe, situé sur Pacific Street) s’étaient déjà placés à l’extérieur du bâtiment (où ils seront une petite cinquantaine, à 12 h. 30), pour attendre le cortège présidentiel, quand d’autres, dans le même but ou pour se détendre, s’étaient mis à déambuler dans les bureaux, près des fenêtres (dont certaines fermées) des étages inférieurs au cinquième, le reste étant encore au travail ou occupé à déjeuner dans la salle à manger (lunchroom) (une salle ayant un coin cuisine), au premier étage (salle que, vers 12 h. 20, comme nous le verrons, à peu près tout le monde aura quitté pour rejoindre les collègues), ou dans la salle des dominos (une salle de détente), au rez-de-chaussée, voire dans les bureaux (cf. WCRHE, XXII, p. 632-686). Par la suite, seuls James Jarman Jr. et Harold Norman, d’une part, et, d’autre part, Williams, semblent avoir fait exception. Alors que les deux premiers s’étaient postés devant le TSBD, vers 12 h. 10, pour attendre le cortège, ils décident, entre 12 h. 15 (voire avant) et 12 h. 20, de monter au 4ème étage, en passant par l’arrière du bâtiment, pour éviter l’entrée principale encombrée par la foule. Ils espèrent ainsi obtenir une meilleure vue sur Houston Street et Elm Street. Avant de quitter le rez-de-chaussée, usant d’une technique dont ils avaient l’habitude, ils regardent par-dessus le portail de la cage d’ascenseur et remarquent que les ascenseurs sont arrêtés au 5ème étage (Du moins, pour ce qui est de l’ascenseur ouest, Jarman croit seulement l’avoir vu ou s’en souvenir). Lorsqu’ils arrivent au 4ème étage, par l’ascenseur ouest, ils referment la porte de l’ascenseur. Quant à Williams, qui avait quitté le cinquième pour le rez-de-chaussée, avec Lovelady, Arce et Givens, il n’avait ensuite pas accompagné ses collègues devant le TSBD, mais était remonté, par l’ascenseur est, manger le sandwich de son déjeuner, au 5ème étage, vers 12 h. 00, où il ne semble pas avoir remarqué la présence de l’autre ascenseur (du moins, s’agit-il là de ses déclarations faites devant la commission Warren et, en partie, devant le FBI, le lendemain des événements – où l’ascenseur n’est pas précisé et le temps passé à l’étage, que nous indiquons plus bas, ne permet pas d’avoir déjeuné – car, le jour même, il avait déclaré, au bureau du shérif, avoir accédé directement au 4ème étage, depuis le rez-de-chaussée, avec Jarman et Norman, ce que confirmera Norman, devant le HSCA). À cet étage, qui est occupé par un dédale de caisses de livres, dont beaucoup sont empilées et forment des rangées dont certaines atteignent ou dépassent la taille humaine, alors qu’il est allé directement s’asseoir, sur un chariot, face au mur sud, sur le bord de l’allée longeant le mur, à environ mi-chemin des deux angles avant du bâtiment, pour consommer son déjeuner composé d’un sandwich au poulet non désossé contenu dans un sac en papier brun à friture et d’une bouteille de soda Dr. Pepper, il ne remarque aucune présence humaine (Ce déjeuner correspond aux restes de victuailles que le shérif-adjoint Luke Mooney dira, devant la commission Warren, avoir découvert au sommet du mur ouest du « nid » du tireur, au moment de découvrir ce dernier, en décrivant une cuisse de poulet frite partiellement mangée et en ne mentionnant pas de reste de pain, mais tout en n’excluant pas que le sac en papier brun d’épicerie d’environ trente centimètres de long qui se trouvait à côté et qu’il n’a pas touché, ait contenu quelque chose, et, d’autre part, en disant n’avoir pas vu de bouteille de soda : soit, pour l’essentiel, le même état des lieux dressé par le policier Gerald Hill, devant la même commission ; bouteille que, quelques minutes plus tard, le policier L. D. Montgomery, auquel le capitaine Fritz venait de confier la garde du « nid », remarquera posée au sol, « un petit peu plus à l’ouest que la fenêtre » – et donc que le « nid », dont le mur ouest commençait à la limite de la fenêtre – outre qu’il remarquera qu’une partie du poulet git au sol, à l’intérieur du « nid », mais, assez étonnamment, sans mémoriser si le sac, qu’il qualifie de petit, se trouvait au sol ou sur le mur ; en quoi, on peut le soupçonner de ne pas vouloir aller jusqu’à faire comme son collègue Marvin Johnson, qui l’accompagnait, et qui le situe au sol, clairement plus à l’ouest, puisque sous la deuxième fenêtre, avec le poulet et la bouteille, ou plus encore comme son autre collègue Robert Studebaker, qui ne vit pas de restes de poulet, mais prit en photo la bouteille et le sac, dans lequel venaient sans doute d’être rangés les restes, qu’il situe, tous deux, encore plus à l’ouest, près de la troisième fenêtre, soit à l’endroit où est censé avoir déjeuné Williams, tous les trois assurant, au demeurant, avoir été présents, à l’étage, alors que leur supérieur, le capitaine Fritz, s’y trouvait, soit assurément plus tard que l’arrivée de Mooney, de son collègue Roger Craig  et du policier Hill. Le fait que Mooney – et sans doute Hill, qui n’en parle pas, et peut-être aussi Craig, comme nous allons le voir – n’a pas vu la bouteille tend à prouver que les cartouches vides au sol ont capté son attention – nous verrons, p. XI, qu’il y avait de quoi ! – de même que celle de Craig, qui l’accompagnait et qui, de son côté, s’il mentionne avoir vu le petit sac, sur le mur, ne mentionne avoir vu ni bouteille, ni même de restes de poulet, du moins selon le procès-verbal de son audition par la commission Warren, audition dont on verra qu’il en aura finalement contesté le déroulement et la méthode, dont le but aurait été, selon lui, d’arriver à lui faire paraître avoir dit certaines choses ; car, au chapitre II de son ouvrage inédit « When they kill a president », il affirme, d’ailleurs de manière opposée aux autres témoignages, qu’ « était étendu au sol à gauche de la même fenêtre [que celle près de laquelle furent découvertes les cartouches vides] un petit sac de déjeuner en papier brun contenant quelques os de poulet bien nettoyés – well cleaned chicken bones », sans mentionner de bouteille, témoignage qu’il réitérera, lors de son interview filmée, accordée à Ted Gandolfo, en 1974, sans préciser ni l’endroit exact où se trouvait le sac, qu’il qualifie, au passage, de « très petit », ni l’état des restes de poulet, mais en ajoutant qu’ « il y avait une bouteille de soda posée sur une boîte », bouteille dont on peut soupçonner qu’il ne l’avait d’abord pas mentionnée, parce qu’elle était à l’extérieur du « nid », à proximité immédiate ouest et nord duquel se trouvaient, en effet, d’autres boîtes empilées, sur une moindre hauteur, sur l’une desquelles elle pourrait donc avoir été posée, contrairement à ce qu’a rapporté Montgomery, qui est fortement soupçonnable de ne pas vouloir gêner la version officielle établie par la photo qu’en a finalement prise Studebaker, qui la montre au sol, près de la 3ème fenêtre – lequel Studebaker, au demeurant, a accédé à l’étage, pour y prendre des photos, jusqu’au 25 novembre ! – or, l’emplacement du sac à l’est de la fenêtre, dont parle Craig, est officiellement celui du grand sac censé avoir contenu l’arme, dont plusieurs témoins, parmi lesquels Craig, ont nié qu’il ait été présent, comme nous le verrons. Ainsi, dans leurs témoignages, Mooney et Hill eux-mêmes pourraient avoir déplacé les restes de déjeuner vers l’ouest – hormis la bouteille, qui pourrait s’y être déjà trouvée, à moins qu’elle n’eût été initialement, au nord, sur une caisse posée le long du mur est – ce que Montgomery aurait habilement renoncé à faire). En réponse à la question qui lui est posée de savoir s’il voyait l’angle sud-est de l’étage, depuis l’endroit où il était assis, Williams semble évoquer la présence du « nid du tireur » : « Je ne me souviens pas si j’ai vu quelque chose – autant que je me souvienne, ça devait être juste le sommet de la fenêtre (…) parce que les boîtes étaient entassées (it would be just the top edge of the window, as I remember (…) because the boxes were stacked up) ». S’estimant décidément seul et venant d’entendre du bruit à l’étage inférieur, où Jarman et Norman viennent de s’installer aux fenêtres et lui font soupçonner leur présence, il quitte l’endroit, au plus tard à 12 h. 20, pour rejoindre ses deux collègues, au moyen du même ascenseur par lequel il était monté (l’est) ; du moins, toujours si l’on en croit ses déclarations à la commission Warren, car, devant le FBI, le 23 novembre, il avait déclaré n’être resté que trois minutes, avant de rejoindre ses deux collègues, par les escaliers – durée qui pourrait, d’ailleurs, correspondre au déjeuner abrégé dont Mooney aurait vu les restes et qui pourrait avoir résulté d’une pression exercée sur lui pour lui faire quitter les lieux : il n’aurait pas nécessairement laissé les restes dans le périmètre du « nid », mais ceux-ci pourraient y avoir été déplacés, en guise de pression ultérieure pour influencer son témoignage (la question demeurant, néanmoins, de savoir, non seulement s’il a déjeuné, à cet étage, mais encore s’il y est bien monté – cf. supra et p. IV). Du reste, notons que, au moment où ils auraient aménagé les lieux, que ce soit ceux qui auraient placé les restes à l’endroit où ils ont été trouvés ou ceux qui, sous la direction du capitaine Fritz et du lieutenant Day, les ont ensuite déplacés, environ huit mètres à l’ouest du nid – à savoir à l’endroit où Williams dira avoir déjeuné – pour les prendre en photo, ne pouvaient pas connaître l’information fournie par Buell Frazier, le collègue d’Oswald qui lui avait servi de chauffeur, ce matin-là, selon laquelle ce dernier était venu au travail sans son nécessaire pour déjeuner (ce qui aurait pu éventuellement justifier que toutes victuailles soient ôtées du « nid »), puisque Frazier n’a fait sa première déclaration, qu’après 19 h… même si ce fut au terme de six heures pendant lesquelles, il est censé être resté introuvable… information qu’aurait, néanmoins, pu aussi fournir Jack Dougherty, qui l’a vu entrer dans le bâtiment, les mains vides, à son arrivée, et information qu’est, du reste, censé avoir contredite Oswald, deux jours plus tard, lors d’un interrogatoire dont le rapport lui fait dire qu’il est venu au travail avec un petit sac contenant du fromage et une pomme… (cf. infra) S’il y a eu manipulation de la scène du crime, elle porterait donc essentiellement, outre, comme nous le verrons, sur les cartouches vides, sur un petit sac qui aurait été laissé par Williams loin du « nid », avant d’y être déplacé par l’équipe des comploteurs, probablement à l’est de la fenêtre, un Williams qui avait été malencontreusement témoin et dont le récit de son déjeuner, consommé entièrement ou non, serait vrai ; et/ou petit sac qui aurait été trouvé (ensuite – dans le cas de l’alternative) par les premiers enquêteurs, à l’est de la fenêtre, et que l’on aurait cherché à faire passer pour un grand sac, mais sans pouvoir le supprimer… et donc en devant le placer quelque part ailleurs, à l’étage… sur quoi serait venu se greffer (dans le cas de l’alternative, autrement dit au cas où le sac ne se serait jamais trouvé ailleurs que dans le « nid »), le lendemain, le récit mensonger de Williams (bien que nous verrons que le grand sac, lui-même, n’est pas sans poser une grave question de chronologie, liée, tout comme celle similaire du déjeuner, à Frazier). Or, que le récit de Williams soit mensonger est ce que paraît étayer le fait que la bouteille n’aurait pas été placée dans le « nid » par les comploteurs, comme nous l’avons établi, et n’aurait donc pas fait partie de son déjeuner, dont, du même coup, on peut douter de l’existence. Indépendamment, il pourrait avoir déjeuné, avec un sandwich – sans os ! – et une bouteille de Dr. Pepper (que ce soit au 5ème étage ou, au cas où il n’y serait jamais allé, au 4ème, où, d’ailleurs, une séquence du film de Tom Alyea montre, posée sur le bord intérieur de la fenêtre sud-ouest qu’inspecte un enquêteur, une bouteille ressemblant fortement à une bouteille de Dr. Pepper… boisson, au demeurant, très populaire et disponible au distributeur automatique du 1er étage, et dont une bouteille pourrait donc facilement s’être trouvée à chacun des deux étages), déjeuner dont la version officielle aurait fusionné le contenu avec celui trouvé dans le « nid » (ceci, notamment – la question de savoir si Frazier, voire Dougherty, avait déjà informé qu’Oswald était venu au travail sans son déjeuner pouvant, par ailleurs, être tenue pour ouverte – afin que le petit sac à l’est de la fenêtre puisse laisser la place à un grand sac, l’équivoque étant ensuite, à l’occasion, facile à entretenir, à propos d’un sac dont il y aurait à préciser s’il était petit ou grand, avec les degrés d’incertitude que cela peut engendrer : à l’appui, on remarquera que sur les deux photos prises, vers 15 h. 30, par William Allen, devant les marches d’entrée du TSBD, représentant Montgomery et Johnson censés montrer au public des objets suspects trouvés à l’endroit où se trouvait le tireur, ne figurent qu’un grand sac et une bouteille de Dr Pepper, alors que, comme nous l’avons vu, nombreux seront les témoins à rapporter, ultérieurement, avoir vu un petit sac de déjeuner… parmi lesquels Montgomery et Johnson eux-mêmes, qui n’auront finalement sans doute plus tenu à nier une évidence dont l’enquête officielle s’était mise à tenir compte et à faire usage). Pour en revenir précisément au déroulement de l’action de Williams, on notera que, descendu au quatrième étage, n’y prêtant pas attention, il ne remarque pas si l’ascenseur ouest y est ou n’y est pas (en fait, il est quasiment certain qu’il y est – d’ailleurs, s’il finit par donner cette réponse, devant la commission Warren, après s’être remémoré, à l’instigation de son interrogateur, une discussion qu’il avait eu, avec lui, un autre jour, c’est après avoir commencé par affirmer, au cours du même interrogatoire en cours, que les ascenseurs se sont retrouvés, tous les deux, à l’étage, du fait de son arrivée par l’un d’eux).

Lorsque, vers 12 h. 32, le directeur du Dépôt, Roy Truly, et l’agent de police Marrion Baker se précipitent vers les portes des ascenseurs, au rez-de-chaussée, pour aller inspecter les derniers étages et, avant tout, le toit, ils constatent que les deux ascenseurs sont indisponibles, depuis le rez-de-chaussée (Pour ce qui est de savoir s’ils ont pu être bloqués par une coupure d’électricité, et non par la simple non-fermeture des portes, voir la page XII). (Si beaucoup de témoins pensent que des tirs sont venus des étages supérieurs, Baker soupçonne qu’ils sont venus du toit, ayant vu un vol de pigeons s’en éloigner ; son autorité sur Truly va faire que les deux hommes vont se diriger directement et quasiment sans interruption jusqu’à ce dernier, en jetant, tout au plus, de loin, des coups d’œil, dans toutes les directions, à chaque étage, hormis au cinquième (!), qu’ils franchiront, d’une traite, par ascenseur, et hormis, auparavant, au premier, où ils s’attarderont, moins d’une minute, pour rencontrer Oswald, dans la salle à manger, comme nous le verrons ; Baker avancera, en tête, dans les escaliers, au moins jusqu’au 1er étage, selon sa déclaration faite à un reporter d’un journal du Michigan paru le 7 décembre, ainsi qu’au reporter français Léo Sauvage, qui en fera mention, deux ans plus tard, dans son ouvrage « L’affaire Oswald » – à ce point en tête que Sauvage mentionnera aussi avoir recueilli de Truly l’information que le policier est déjà à la porte de la salle à manger, quand lui atteint le 1er étage ; ce qui contredit le rapport du Secret Service du 4 décembre, comme nous le verrons). Utilisant la même technique de localisation que celle utilisée par l’équipe de Jarman, un quart d’heure plus tôt, Truly observe (« I looked up ») qu’ils sont immobilisés au 4ème étage (déclaration à la commission Warren qui contrevient à celle faite antérieurement au reporter du Michigan : « les ascenseurs arrière étaient tous deux montés au sommet, ce qui était étrange » – « both back elevators were up at the top, wich was strange » – qui, à la rigueur, a pu être une désignation approximative de l’étage, dans la mesure où l’on peut avoir un doute, quant à savoir si « strange » se rapporte à l’alignement des ascenseurs ou à leur situation que serait le 6ème étage ou encore aux deux ; notons, malgré tout, que, à la différence de Baker, lui et tout le personnel de l’établissement ont l’habitude d’effectuer une telle localisation – Baker s’y essaiera et prétendra n’avoir pu que remarquer la présence d’un « ascenseur de fret », arrêté « trois à quatre étages » plus haut. Il reste que l’on ne peut manquer de se demander si les deux ascenseurs ne se trouvaient pas, effectivement, tous deux, au 6ème – situation d’autant plus jugeable étrange que le dernier étage était ordinairement le moins fréquenté – ce qui aurait ensuite nécessité de prétendre qu’ils se trouvaient deux étages plus bas, afin de justifier le non moins étrange – du moins, rétrospectivement – évitement du 5ème par des hommes pressés d’atteindre le toit et, à ce titre, pouvant juger utile d’emprunter l’ascenseur). Après avoir appelé, en vain, un ascenseur, les deux hommes s’engagent, sans tarder, dans les escaliers (Du 4ème étage descendront, par les escaliers, dans les dix minutes suivantes, Jarman, Norman et Williams, qui, au passage, feront une brève halte, au troisième, afin d’y rencontrer le personnel – à un étage que, juste après avoir observé l’attentat depuis une fenêtre, venaient de quitter, par les escaliers, sans voir ni entendre quiconque d’autre les emprunter, deux employées de bureau, Victoria Adams et Sandra Styles, qui atteignirent le rez-de-chaussée et sortirent par la porte arrière du bâtiment, avant même que Baker et Truly n’eurent atteint les ascenseurs, presque aussitôt suivies, de loin, par leur responsable Dorothy Garner, qui, se contentant néanmoins de rester dans la salle d’entrepôt contiguë à son bureau, les entendit faire beaucoup de bruit dans les escaliers, au-dessous, et admet, tout au plus, que, quant à elle, elle pourrait avoir vu – « I could have [seen] » – ensuite le policier et Truly arriver d’en bas à son niveau, avant qu’elle ne fasse valoir la grande confusion qui aurait alors régné – cf. Barry Ernest, « The girl on the stairs », p. 283, et son compte-rendu d’interview de 2011, « Another ignored witness found », et témoignage de l’intéressée cité par le procureur général M. J. Stroud, dans sa lettre à J. Lee Ranklin du 2 juin 1964). Lorsque, après avoir fait une courte pause, au premier étage, le temps d’y identifier Oswald (voir infra), ils atteindront le quatrième, ils constateront que l’ascenseur ouest n’y est plus (ce que fera aussi Jarman, au moment de quitter l’étage, avec ses deux collègues, mais alors même que, comme nous le verrons, la cause de l’absence de l’ascenseur n’aura pas été la même, dans les deux cas – témoignage de Jarman qui, au demeurant, peut constituer un bon indice que les deux ascenseurs n’étaient pas au 6ème étage, lorsque Truly observa, du rez-de-chaussée, la cage, un deuxième indice tenant assurément dans l’invraisemblance que les ascenseurs auraient été bloqués, au sommet de l’immeuble, par les tireurs, ce qui aurait risqué de faire emprunter les escaliers par un éventuel utilisateur, pour accéder à leur niveau), Truly constatant, en outre, qu’il n’est pas non plus à l’étage supérieur, puis ils emprunteront celui de l’est pour atteindre directement le sixième étage, afin de gagner, au plus vite, le toit, sixième étage où Truly constatera l’absence de l’ascenseur ouest (Baker n’y prêtant pas attention), avant que tous deux ne découvrent un toit désert.

Devant la commission Warren, Truly affirme avoir pensé, sur le coup, que l’absence de l’ascenseur ouest était due à « l’un de [ses] gars » (ou « employés ») (« one of my boys »), qui venait de l’emprunter, dans le cadre de son travail. Or, il est très étonnant que, plusieurs mois après les faits, il n’arrive toujours pas à être sûr de la raison de cette absence, ni à mettre un nom sur ce « gars », quoique la commission ne manifeste aucune curiosité à ce sujet. Tout laisse penser que ce « gars » n’est autre que Jack Dougherty et qu’il n’a toujours pas quitté l’étage, où il est à la tâche. Devant la commission Warren, ce dernier affirmera que, après avoir pris son déjeuner dans la salle des dominos, au rez-de-chaussée, à partir de midi, il a ensuite repris son travail, vers 12 h. 30, car il ne souhaitait pas sortir voir le cortège présidentiel, étant donné la trop grande densité de la foule (le jour même, il avait déclaré, à la police de Dallas et au FBI, l’avoir repris à 12 h. 45, ayant sans doute indiqué ainsi l’heure de la fin du déjeuner des employés qui était plus ou moins celle règlementaire, si l’on en juge aux témoignages de Truly et de Buell Frazier devant la même commission, horaire qui, au demeurant, pouvait aussi l’arranger, comme nous allons le voir). À la reprise de son travail, il emprunte l’ascenseur ouest pour gagner le cinquième étage, y prendre rapidement quelques livres, avant de descendre, par le même ascenseur, à l’étage inférieur, où il entend, comme il le rapporte au FBI, le jour-même, « une forte explosion qui retentit comme un tir de fusil venant du prochain étage au-dessus moi » (« a loud explosion which sounded like a rifle shot coming from the next floor above me ») – dont on n’a aucunement lieu de douter qu’elle soit constitutive de l’attentat – et où, quelques minutes plus tard, l’aperçoivent peut-être, si ce n’est probablement, Truly et Baker (voir supra et infra), du reste, sans que cela soit réciproque, puisqu’il affirme ne pas les avoir vus (peut-être leur tournait-il le dos ou avait-il la vue gênée par des caisses de livres, qui, comme à l’étage supérieur, remplissaient une bonne partie de l’espace, ou encore par un pilier – autant de raisons pour lesquelles Jarman, Norman et Williams eux-mêmes, qui, par ailleurs, lui tournaient le dos et avaient la tête immergée dans l’ambiance de la rue, ne l’ont ni vu, ni entendu, Williams affirmant, néanmoins, devant la commission Warren, avoir vu, par-dessus les caisses, « un casque blanc » de policier « tournant autour de l’ascenseur est », très probablement celui de Baker). Pendant que Truly et Baker montent au 6ème étage, par l’ascenseur est, il descend au rez-de-chaussée, par l’ascenseur ouest, qu’il vient sans doute d’appeler, à moins qu’on ne lui ait renvoyé (rez-de-chaussée où il rencontre d’abord Piper, comme le fera, peu de temps après, l’équipe de Jarman, puis un inspecteur de police – voir infra) (Ainsi, lorsque Truly et Baker ne trouvent pas l’ascenseur ouest au 4ème étage, vers 12 h. 35, c’est parce que les tireurs sont en train de l’utiliser, comme nous le verrons, mais lorsque c’est au tour de Jarman de ne pas l’y trouver, vers 12 h. 40, c’est parce que c’est Dougherty qui est en train de l’utiliser, à moins que, comme nous le verrons, l’ascenseur ne soit resté au rez-de-chaussée ou au sous-sol, où l’avaient amené les tireurs, et que Dougherty ait emprunté les escaliers, contrairement à ses déclarations de l’époque, qui pourraient avoir visé à rendre impossible sa rencontre avec le policier et le directeur, dans les escaliers, rencontre qu’attesterait la première déclaration de Baker, faite au bureau du shérif – cf. infra et p. VII). Tout laisse donc penser que Dougherty est monté au cinquième étage, entre 12 h. 25 et 12 h. 30 (on notera que c’est l’heure où l’équipe de Jarman prétend, de façon peu vraisemblable, avoir emprunté le même ascenseur – cf. p. VI – est-ce dire pour rendre impossible son utilisation par Dougherty ?) (12 h. 25 étant probablement l’heure à laquelle il a fini son déjeuner, bien que, devant la commission Warren, il lui arrive de dire, à deux reprises, qu’il croit avoir entendu la détonation, avant de déjeuner ! – « I believe I did », « I believe it was » – déclaration qui, à la rigueur, peut s’expliquer, s’il a emporté, avec lui, la fin ou la plus grande partie de son déjeuner, tout en reprenant le travail... ou encore du fait d’une confusion due, entre autres, à son caractère émotif, éventuellement exacerbé par la tournure des événements, dont fait état un mémorandum du conseiller principal de la commission Warren du 12 mars 1964, censé reposer sur le jugement de Truly : « Il est mentalement retardé, a des difficultés à se rappeler des faits, comme dates, temps, places, et a été particulièrement confus depuis l’assassinat (especially confused since the assassination) », caractère émotif que soulignera Truly, devant la même commission, tout en précisant, comme il l’avait déjà fait, qu’il était un bon travailleur – très assidu – et tout en semblant ignorer sa prétendue difficulté à synchroniser sa pensée et sa parole, difficulté dont aurait pourtant fait état un certificat médical datant de son engagement d’un an dans l’armée, en 1942, mis en avant par son père devant la commission, l’ensemble du jugement de Truly étant, somme toute, résumé ainsi : « Je pense que ce qui est difficile avec lui est son caractère émotif (…) Je dirais qu’il a une intelligence moyenne »). Il monte au 5ème étage, pour y prendre quelques livres, peut-être dans la moitié nord de l’étage, autrement dit sans s’être trop avancé vers la zone où se trouvent les tireurs, dont, a priori, rien ne permet d’affirmer qu’il les ait vus ou entendus, ni même qu’eux-mêmes l’aient vu ou entendu (rappelons que cet étage est un véritable dédale de piles de caisses de livres, dont certaines, disposées en rangées, forment des murs atteignant ou dépassant la taille humaine, que les ascenseurs sont situés sur la face opposée à celle où se trouvent les tireurs, et enfin que l’ascenseur ouest utilisé était le plus silencieux). Le fait d’avoir avoué spontanément, coup sur coup, à la police de Dallas et au FBI, dès le 22 novembre, s’être trouvé, au cinquième étage, à peine quelques minutes avant l’attentat (nonobstant que les procès-verbaux se contentent de mentionner : « I [had] gone down on the fifth [floor] », formule qu’explicitera un rapport de la police de Dallas du 18 décembre suivant : « dès qu’il fut arrivé au 5ème étage, il descendit au 4ème » – « as soon as he arrived on the 6th floor, he went down to the 5th floor »), laisse plutôt entendre qu’il n’a pas participé à ce dernier. Par contre, est-il possible qu’il ait été témoin de la présence des tireurs au 5ème étage, et peut-être même au 4ème, puisque ces derniers ont pu y prendre l’ascenseur, pour redescendre, comme nous l’avons vu et comme nous le reverrons ? La réponse ne peut que passer par la prise en compte des éléments étonnants suivants : à la question que lui pose un membre de la commission Warren de savoir si, lorsqu’il a repris son travail, il est allé au cinquième, il répond, simplement et à contretemps, qu’il était à cet étage, avant de cesser le travail (ce qui est vrai, si l’on admet qu’il faisait partie de l’équipe de Lovelady, comme mentionné dans le rapport de police précité, le rapport du Secret Service du 8 janvier 1964 et le procès-verbal de son audition par la commission Warren, quoique dans un seul des procès-verbaux des autres membres de l’équipe, celui de Danny Arce, fait, le jour-même, au bureau du shérif), puis, alors que son interrogateur lui demande de reconnaître qu’il avait déclaré au FBI que, lorsqu’il avait repris son travail, il était allé au cinquième, il s’empresse de le faire et même de renouveler son propos, mais tout en ne remettant pas en cause sa déclaration quasi immédiatement antérieure, selon laquelle il y était allé, vers 12 h. 40 (comme s’il ne tenait manifestement pas à y avoir été présent, auparavant – et alors même que, par ailleurs, il prétend aussi y avoir fait un aller et retour, à la recherche de Truly, après que les cartouches vides y avaient été découvertes, autrement dit aux alentours de 13 h. – cf. infra). A la rigueur, il pourrait avoir repris le travail, de 12 h. 25 à 12 h. 40, en finissant de manger, si ce n’était que, selon toute vraisemblance, Truly n’est pas censé l’avoir rencontré, vers 12 h. 35, en train de manger, mais bien en train de prendre des livres, dans l’attitude de celui qui a assurément repris le travail, qui plus est, au quatrième étage, autrement dit après être censément passé au cinquième pour prendre d’autres livres. Au demeurant, la mémoire de Truly pourrait avoir été altérée, outre par la grande tension vers l’objectif de neutraliser un tueur sur le toit ou dans l’immeuble, par le fait que lui et Dougherty sont censés s’être retrouvés, au même étage, un peu plus tard, après que, au rez-de-chaussée, un policier aura demandé à ce dernier – comme celui-ci le rapporte – de le conduire à son patron, qui se trouvait alors être redescendu au 4ème, plutôt qu’au 3ème, comme on peut penser que commet l’erreur de le dire Dougherty, qui affirme n’avoir pas été sûr de l’étage, à l’époque des faits, tout en pouvant commettre aussi l’erreur de situer cette rencontre après la découverte des douilles au 5ème étage (Quatre ans plus tard, lors d’une interview accordée à Gill Toff, il niera carrément que cette rencontre ait eu lieu, n’ayant pas réussi à retrouver son patron) (Au passage, on notera qu’une incertitude de localisation similaire se trouve dans la déclaration faite par Baker au bureau du shérif, le 22 novembre, qui ne fait aucunement mention de la rencontre avec un suspect au 1er étage mais à l’un des deux étages du dessus : « Comme nous atteignions le deuxième ou troisième étage, je vis un homme s’éloignant des escaliers (…) Le directeur dit : je connais cet homme, il travaille là » – « As we reached the third or fourth floor I saw a man walking away from the stairway (…) The manager said : I know that man, he works there » – de là à penser que Baker fait ainsi état de sa rencontre avec Dougherty, il n’y a pas loin, d’autant plus que, dans ses déclarations ultérieures, il ne fera jamais mention de l’employé vu au-dessus du 1er étage, au contraire de Truly, comme s’il tenait désormais à se débarrasser d’un possible contentieux avec la version officielle – autant de considérations qui, du reste, ne sont pas sans jeter une ombre sur la réalité de la fameuse rencontre dans la salle à manger, qui ne sera mentionnée, pour la première fois, que dans un rapport du FBI du 25 novembre, même si l’explication la plus simple du premier témoignage de Baker pourrait être qu’il a été arrangé, de la propre initiative de celui-ci ou d’un autre, pour rendre plus vraisemblable qu’Oswald venait du 5ème étage où il était censé avoir effectué les tirs. Il faudrait donc comprendre que Baker a fait sa rencontre à un étage encore supérieur à ce qu’il prétend, s’il est vrai que Dougherty se tenait au 4ème, à moins qu’il n’en fût juste arrivé, comme le ferait penser le fait qu’il s’éloignait de la cage d’escalier. Dans ce cas, la rencontre aurait eu lieu, soit au 3ème, après la sortie d’Adams et Styles de leur bureau, et avant celle de Dorothy Garner, soit, plus vraisemblablement, au 2ème, deux étages desquels il aurait pu ensuite appeler l’ascenseur ouest – que venaient de laisser au rez-de-chaussée les tireurs – pour gagner le rez-de-chaussée, cet usage de l’ascenseur ayant pu être justifié par l’intention de s’isoler d’éventuels enquêteurs montant les escaliers, sur les pas de Baker et Truly). Le policier censé s’être présenté à Dougherty, au rez-de-chaussée, comme étant un agent du FBI, pourrait, plus sûrement, avoir été l’inspecteur J. Herbert Sawyer de la Police de Dallas, comme le laisse supposer le croisement des témoignages, produits devant la commission Warren, d’une part, de Marrion Baker, parlant de sa rencontre avec Sawyer, à l’un des étages, depuis la cabine arrêtée – et très probablement ouverte – de l’ascenseur le ramenant, avec Truly, au rez-de-chaussée, et, d’autre part, de Sawyer lui-même, affirmant être entré dans le TSBD, « avec deux officiers [dont nous ajouterons qu'au moins l'un des deux pourrait, à la rigueur, avoir été du FBI] et un homme dont [il] croyait [ou estimait] qu'il travaillait dans le bâtiment (a man who I believed worked in the building) » (Il reste que Dougherty ne se trouvait pas à l’extérieur du bâtiment, lorsque Sawyer a voulu y entrer, et que donc, si l’on prend à la lettre le témoignage de ce dernier, il n’a pas pu y entrer avec lui, et que, d’autre part, en 1968, Dougherty réaffirmera avoir accompagné un agent du FBI – cf. question/réponse n° 1, p. VII). En effet, Truly affirme bizarrement que, à l’occasion de son retour au 4ème – sans doute pas plus de cinq minutes après son premier passage, puisqu’il estime que le temps écoulé entre son départ du rez-de-chaussée et son retour au même endroit n’a pas excédé dix minutes, ce que confirmera Baker, devant le HSCA – il a vu Dougherty, qu’il paraît alors sous-entendre être occupé à prendre des livres, étant donné qu’il vient juste de parler de l’employé ayant repris le travail et qu’il n’avait pas encore identifié… alors que la présence de Dougherty n’aurait pourtant eu d’autres raisons que de guider le policier, et que l’ambiance et les consignes dans le bâtiment étaient sûrement à la cessation du travail. Il précise, néanmoins, que ses souvenirs concernant cet épisode restent assez confus... précision qui, tout compte fait, outre qu’elle pourrait bien porter sur le numéro de l’étage (étant donné le témoignage divergent de Dougherty susmentionné, quoique infirmé plus tard, auquel on pourra ajouter celui de Baker du 22 novembre), pourrait bien être à étendre à l’épisode de sa première présence au même étage... Enfin, autre étrangeté dans le procès-verbal de l’audition de Dougherty par la commission Warren : le fait que, à la question posée au témoin de savoir si, une fois parvenu au 5ème étage, il a constaté une présence humaine, il tient subitement à évoquer, de nouveau, et sans plus, le tout autre contexte d’avant midi, en parlant de tous les employés (l’équipe de Lovelady) qu’il y avait vus, peu avant de cesser le travail. Toutes ces réponses déconcertantes peuvent-elles – par-delà le caractère émotif de l’individu, que n’était sans doute pas pour ménager une commission d’enquête présidentielle – relever d’une façon maladroite de satisfaire sur deux plans parfaitement inconciliables : et dire la vérité – du moins, ne pas mentir – et ne pas déranger certains intérêts, qui auraient eu le temps de s’exprimer puissamment, pendant les mois séparant ses déclarations au FBI et sa déposition devant la commission Warren ? On peut le penser. Quoi qu’il en soit, notons que, après être monté au cinquième étage et en être redescendu, Dougherty finit par replacer l’ascenseur, au quatrième étage, là même où l’avait placé l’équipe de Jarman, au moins une quinzaine de minutes plus tôt, et qu’il laisse sa porte ouverte, sans doute parce qu’il a les bras chargés de livres et/ou parce qu’il s’apprête à y remonter (Porte ouverte qui empêchera Truly d’appeler l’ascenseur, depuis le rez-de-chaussée, du moins si l’on admet la véracité de son témoignage et de celui de Baker, selon lesquels ils ont procédé à une inspection commune et immédiate des étages – cf. p. VII et XII).

Oswald pourrait donc s’être trouvé au rez-de-chaussée, à midi, pour gagner le sous-sol ou les docks, y rejoindre les tireurs et leur donner le signal pour monter au 6ème étage (le tout dernier étage, le moins fréquenté du bâtiment). Il pourrait avoir pris l’ascenseur ouest, avec eux, et s’être réfugié, avec eux, au 6ème (où ils referment la porte de l’ascenseur, pour éviter qu’un éventuel utilisateur n’accède à leur niveau pour le débloquer). Ensuite (sous réserve de la validité des déclarations de Williams devant la commission Warren – cf. supra), ayant entendu Williams atteindre l’étage inférieur, par l’ascenseur est, ou y ayant constaté, d’entrée, sa présence, il surveille, de loin, ses mouvements et finit par constater son départ, entre 12 h. 10 et 12 h. 20 (cf. page VI) (À noter que l’antériorité de l’arrivée de Williams sur celle de l’équipe d’Oswald, à leurs étages respectifs, est probable : devant la commission Warren, Williams finit par affirmer être monté au 5ème, à midi précise, et y être resté pendant une durée ayant pu dépasser dix minutes, après avoir, d’abord, affirmé y être monté, aussitôt après avoir pris le nécessaire pour son déjeuner, dans la salle des dominos, soit, au plus tard, à 11 h. 50).

 

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